Un jour, je suis née. Depuis, j'improvise. Parfaitement ça. Disons que ma mère n'avait pas vraiment prévu ma naissance. Et légèrement dépassée par les évènements, elle ne s'est pas tellement occupée de moi par la même occasion. J'ai passé mon enfance seule à courir après un peu d'amour, à rechercher du bonheur. Il faut bien courir après quelque chose, après tout. J'aurais juste préféré que cette chose ne soit pas ma propre mère. Elle était pourtant une femme très douce et adorable, un peu trop à mon gout même. Elle rêvait du prince charmant, fait idiot selon mes opinions. Elle ne se sentait pas bien dans sa peau, toujours critiquée et humiliée. D'une beauté assourdissante, beaucoup de femmes la jalousaient et, au contraire, beaucoup d'hommes, la plupart assez malhonnêtes si vous voulez mon avis, la demandaient. Je peux vous assurer que pendant les douze premières années de ma vie, j'en ai vue passer des hommes tous aussi affreux et irrespectueux les uns que les autres séjourner à la maison. Ma mère était-elle donc aveugle ? Je me suis de nombreuses fois posée la question. Elle paraissait folle amoureuse à chaque fois, comme si elle pensait vraiment que celui-ci allait être le bon, qu'il allait la demander en mariage, lui faire des enfants, être heureux avec elle, la rendre heureuse aussi. Qu'il ne la quitterait jamais. Au final, elle était toujours un peu plus déçue. Elle y avait cru. Elle avait réellement pensé qu'il resterait, celui-là. Alors, elle pleurait. Elle pleurait beaucoup trop souvent d'ailleurs. Elle se lamentait, se plaignait, s'auto-détestait, s'insultait. Elle perdait complètement la tête, et plus les aventures qui ne duraient pas plus de quelques mois chacune enchainaient, plus le la voyait sombrer dans la folie. Elle était si naïve.. Ce que je ressentais ? Une réelle colère. De la haine. De la rage. Envers ma mère. Envers tous ces pauvres types. Envers toutes ces sales filles qui se permettaient de dire bien trop de choses à mon gout. Envers le chat qui restait planter là à manger, dormir, roupiller, ronfler, ronronner, sans se soucier de personne. Envers le voisin, qui n'avait pourtant rien fait et qui se fichait complètement de nous. Envers la Terre entière. Pourquoi ça tombait sur moi, sérieusement ? J'entendais toutes ces filles à l'école, qui elles, avaient la chance d'avoir un père, présent et attentionné, et non d'être nées d'une idylle avec un motard qui était parti au bout de dix mois, lorsqu'il avait su qu'il avait malencontreusement engendré une fille avec cette femme qui n'était qu'un jouet pour lui. J'entendais toutes ces histoires racontant les bons moments passés avec leur paternel. Pourquoi n'avais-je pas cette chance ? C'était dur de grandir sans quelqu'un pour vous épauler, vous guider, vous dire ce que vous devez faire. Car franchement, ma mère passait plus de temps à pleurer qu'à m'aider pour mes devoirs, mes problèmes de pré-adolescente, mes histoires d'amitié et même d'amour, même si, avec tout ce qui se passait chez moi, il en fallait beaucoup pour que j'accorde de l'importance et encore plus ma confiance à un garçon, aujourd'hui encore. J'ai dû me débrouiller toute seule. Je n'avais pas beaucoup d'amis. La plupart des filles m'ennuyaient, toujours à parler de Diddle, de fées ou de princesses. La plupart des garçons m'insultaient, ne me trouvant pas assez féminine et à la pointe de la mode à leur gout. En grandissant, l'envie de me sentir belle s'est petit à petit développée chez moi, et aujourd'hui, j'aime me sentir bien habillée, maquillée et coiffée. Me sentir désirée. Surement pour venger ma mère, d'un certain côté. Manipuler tous ces jeunes hommes est pour moi une certaine vengeance, leur faire payer tout ce que leurs aînés ont fait à la mère, autrefois. J'étais une fillette très solitaire, très autonome. Je ne voulais pas d'aide, je n'en avais pas besoin. Bagarreuse sur les bords, j'avoue que je m'énervais assez facilement et que lorsque l'on me lançait une pique, je n'hésitais pas à recourir aux poings, honneur oblige. Il s'avérait que j'étais particulièrement douée au combat, et si ma mère n'a pas voulu m'inscrire à un cours de karaté, trouvant ce sport réservé aux garçons, je me débrouillais étrangement bien. Si seulement je savais qu'en réalité, j'étais la fille du dieu de la guerre, tous mes comportements provoquants, arrogants et insolents se seraient tout de suite justifiés.. Mais pas pardonnés. En effet, j'étais souvent punie. Par la maîtresse ou par la mère. Je n'aimais pas l'autorité, je me rebellais très souvent, et j'en payais les frais. Je n'aimais pas l'école, non plus. J'étais hyperactive et dyslexique, donc autant dire que les cours n'étaient pas franchement faits pour moi. A la limite, ce qui m'intéressait le plus, c'était l'histoire, après le sport. Mais uniquement lorsque nous abordions l'Antiquité. Les grecs, la civilisation, les mythes, les légendes, les dieux, les héros, tout cela me passionnait réellement. Encore une fois, si j'avais su, cette intérêt pour la mythologie se serait rapidement justifié. J'étais devenue incollable en la matière, à la plus grande surprise de mon entourage qui me connaissait plutôt comme une gamine infernale qui ne savait pas tenir en place, toujours en train de faire chier son monde et de répondre aux adultes. C'était un sujet sur lequel on ne jouait pas avec moi, au risque de perdre une bonne part de sa fierté et de se prendre la honte de sa vie. Plus je grandissais, plus les rapports avec ma mère se dégradaient. Les petit-amis continuaient de s'enchainer et je n'en pouvais tout simplement plus, et souvent, les soirées finissaient en disputes et ma vie se résumait à passer mon temps libre dans la chambre, à écouter de la musique, à faire des coups de karaté ou à lire (oui, vous avez bien lu) des livres sur la mythologie grecque. Je sentais que je n'étais plus à ma place chez moi. Et mon entrée au collège n'a franchement pas arrangé les choses. Tous ces gens qui me rabaissaient, tous ces préjugés idiots, toutes ces personnes qui se prenaient pour les rois, pas tellement pour moi. Je n'étais pas une personne bien vue au collège, je me rebellais contre les plus grands et je répondais aux adultes. Autant dire que les élèves comme les professeurs ne me supportaient pas. Pendant les vacances d'été, après ma première année, j'ai finalement décidé d'en finir. J'ai fugué. J'ai fui cette école que je détestais, ces adultes qui m'exaspéraient, cette mère qui ne me comprenait pas et tous ces problèmes avec tout le monde qui me bouffaient. Marre. J'avais très peur, au début, mais je me sentais libérée. Puis, j'ai rencontré Miles, le satyre qui m'a ramené à la colonie. Je dois bien avouer que la première fois que je l'ai vu, j'ai bien failli faire une crise cardiaque. Puis, il m'a tout expliqué. Je n'avais que douze ans, j'étais seule et perdue, et croyez-moi, dans des moments comme ça, on ne réléchit plus à ce qui est rationnel ou pas, et même un homme mi-chèvre mi-humain, on le croit. Je l'ai suivi. Il m'a fait découvrir ce merveilleux endroit qu'est la colonie des sang-mêlés. J'ai été bien accueillie, malgré mon caractère de merde qui gênait pas mal de gens. J'essayais malgré tout de faire ma gentille, afin de m'intégrer, ou du moins, au début. Puis, mon père m'a reconnu comme sa fille, lors de mon tout premier entrainement. J'ai rejoint le bungalow des Arès. J'avais beaucoup plus d'amis ici, et rapidement, je me suis fait un nom. On m'a aussi annoncé que j'étais la petite-fille d'Aphrodite, et que ma mère était donc sa fille, qu'elle aussi était passée par la colonie dans sa jeunesse. Je lui en ai beaucoup voulu. Elle savait tout, mais elle ne m'avait rien dit. J'ai décidé de définitivement couper les ponts avec elle, de la barrer de ma vie, et depuis mes douze ans, je n'ai plus aucune nouvelles d'elle. C'est peut-être cruel, mais ça le me manque pas. Le calvaire que je vivais ne me manque vraiment pas. Rapidement, j'ai découvert que je possédais un pouvoir très utile : je pouvais manier l'épée à la perfection, et plus je contrôlais mon pouvoir, plus il devenait puissant. Désormais, je sais non seulement me servir d'une épée comme une déesse, mais je sais aussi utiliser un poignard sans aucune faiblesse, sans aucune faille. Pouvoir vraiment très utile, je l'accorde, et c'est surement ce qui me rend aussi forte au combat. Puis j'ai découvert mon deuxième pouvoir, à force de persévérance : il n'est pas très puissant pour l'instant, mais je possède une force sur-humaine. Je peux soulever cinquante kilos facilement. Alors, je me sers de ces deux atouts, en plus de ma beauté naturelle surement héritée de ma grand-mère, et j'en profite pour avoir une place importante à la colonie. Je ne suis pas conseillère-en-chef, mais on me l'a plusieurs fois proposer. Je ne veux pas de cette responsabilité. Je suis toujours entourée de ma "cour", à la colonie, constituée de personnes que j'apprécie plus ou moins. Oui, il y en a que je n'aime pas du tout dedans. Par exemple, ces filles d'Aphrodite que je trouve bien trop superficielles à mon gout. Mais je les garde sous la main, elles me seront peut-être utiles un jour. Pourquoi je me prends pour la reine du camp, et je m'entoure de personnes que je n'apprécie même pas ? A cause de cette phobie, encore et toujours. J'ai peur de la solitude. J'ai du me débrouiller seule pendant toute mon enfance, j'ai grandi sans père et sans mère et je n'avais pas d'amis à l'école. J'étais constamment seule. Aujourd'hui, je veux en profiter. Je veux qu'on me craigne et qu'on me respecte à la fois. Je veux me venger de la vie.