La terre vibrait, imperceptible et légère. Lui-même ne s’en était très certainement pas rendu compte. Les fils d’Arès l’avaient encerclé, son dos touchait le mur des toilettes. Il ne pouvait plus reculer, une intense sensation d’être pris au piège se mouvait en panique. C’était son troisième été au camp, pourtant les fils bouffons d’Arès ne lui avaient toujours pas lâché la grappe. A sa première venue au camp, ces mêmes abrutis lui avaient déjà fait subir cette tâche horriblement ingrate. Nettoyer les toilettes. Les lieux étaient si horripilants que même les mouches l’évitaient. La première année, il avait dû les nettoyer de fond en comble. Il avait vomi trois ou quatre fois avant de pouvoir terminer. Les fils d’Arès étaient hilares. Le deuxième été, il avait aussi du nettoyer les toilettes des filles. Les deux étés qu’Hedge avait passé au camp, leurs avait très certainement donné envie de recommencer cet été, naturellement. En tant qu’enfant non reconnu, on vous mène la vie dure au camp. Il n’avait pas fallu longtemps à Hedge pour s’en rendre compte. Dès son deuxième jour au camp, il avait vécu l’enfer. A cette époque, Hedge n’avait pas encore assez d’assurance pour s’opposer aux fils du Dieu de la Guerre. Mais rien ne dure éternellement, n’est-ce pas ?
Hedge avait, en deux été, tellement pris sur lui, tellement retenu sa rage qu’à ce moment-là, sa tête lui sembla être sur le point d’exploser. Tout avait une fin, et il était temps que ce soit celle de la tyrannie des fils d’Arès. Ils n’étaient plus qu’à deux mètres de lui et continuaient d’avancer. Prenant son courage à deux mains, Hedge s’avança d’un pas décidé, les poings serrés, en direction du chef du groupe d’abrutis finis. Il en avait marre d’avoir peur, marre d’être un  lâche, marre d’être le fils d’un lâche incapable de le reconnaitre alors qu’on lui faisait subir les pires sévices du monde. Le sourire niais du chef du groupe s’effaça lorsque, arrivé à 20 cm de son visage, Hedge le regarda droit dans les yeux, avança ses poings serrés et le poussa. Le fils d’Arès ne s’y attendant pas, s’étala sur le dos de tout son long sous les regards interloqués de ses frères. Hedge ne dit rien, mais le regard chargé de haine, il scruta tour à tour chacun des enfants présents, prêt à se faire attaquer de tous les côtés. Les fils d’Arès ne se firent pas trop attendre. Sans même demander à leur camarade s’il allait bien, ils forcèrent tête baissé vers Hedge. Il était sans défenses, attaqué de tous les côtés... Il se demandait combien de chances de survie il avait face à ces brutes épaisses. Il ferma les yeux, mais ne bougea pas. Il laissa simplement sa rage s’évacuer.
C’est alors que la terre trembla. En réalité seule une surface de 2 mètres autour d’Hedge, l’épicentre, avait tremblée. Mais ce fut amplement suffisant pour faire tomber ses adversaires, sans même qu’Hedge ne soit déstabilisé. Les fils d’Arès se relevant, haineux, aperçurent  très clairement un trident au-dessus de la tête d’Hedge. Hedge avait été reconnu, et il n’était pas n’importe qui. L’un des trois grands était son père. Poséidon, le Dieu des Océans. Après cet évènement très marquant, plus aucun fils d’Arès ne s’approcha du fils de Poséidon. Il se vit attribué le bungalow numéro trois, celui de Poséidon. Par rapport au bungalow d’Hermès ou il avait séjourné durant ses trois premiers étés, le bungalow de son père, n’avait rien avoir. Il était vide. Il n’y avait personne, mais un peu de calme ne vous dérange pas quand vous sortez de trois ans d’enfer. Ce n’était pas seulement le comportement du groupe des bouffons qui changea, mais celui de presque tous les élèves. Les regards moqueurs et les messes basses dans son dos avaient cessés et la plupart de élèves se montraient plus accueillants voire amicaux avec Hedge.
Hed’ changea aussi beaucoup lors cet été.  La reconnaissance de son père, durement méritée, lui a permis d’acquérir de plus en plus confiance en lui-même. Il s’imposait plus facilement, et s’améliora nettement en combat au corps à corps ainsi qu’en maniement des armes. A la fin de sa quatrième année il se vit promouvoir dans le groupe des Thêta. A cette occasion son père lui offrit une lanière de cuir. Il mit des mois avant d’en comprendre l’utilité. Cette lanière, une fois attachée à l’une de ses chevilles, lui permettait d’amplifier son pouvoir. Il arrivait même à provoquer des tremblements de terre d’un simple coup de pied sur le sol.  La cinquième année fut beaucoup plus mouvementée que les autres.
Un soir, lors d’un repas commun avec les autres demi-dieux son père débarqua, avec une fillette à ses côtés.  Hedge comprit immédiatement qu’il s’agissait d’une autre fille de Poséidon. La rage et une rancune incommensurables montèrent dans le cœur de l’adolescent alors âgé de 16 ans.  Il n’avait vu son père qu’une seule fois, lorsqu’il était venu lui offrir sa lanière en cuire de minotaure. Il se leva et quitta immédiatement la table. Il ne voulait pas les voir, ni lui, ni elle. Son père l’avait laissé trois ans dans une merde noire, sans daigner  le reconnaitre, le laissant entre les griffes des bouffons d’Ares. Et pouf, avec cette petite blonde, il se pointait comme ça, genre « REGARDEZ, c’est ma fille ! ». Hedge ne dormi pas dans son lit ce soir-là, même si les harpies rodaient, il préférait encore se faire dévorer plutôt que de devoir lui souhaiter la bienvenue. Le lendemain il ne se présenta pas aux cours, préférant passer sa journée dans les écuries. C’est Chiron qui vint le trouver. Tout le monde sait qu’il n’est pas l’être le plus compatissant au monde, mais il réussit quand même à lui remonter le moral. Il lui apprit que Poséidon était venu plusieurs fois lui rendre visite, et qu’il avait non officiellement reconnu Hedge. Il lui expliqua également que le Dieu ne pouvait pas le reconnaitre aux yeux du monde, tant qu’il n’avait pas découvert par lui-même l’un de ses pouvoirs. Hedge rentra le soir venu, mais il n’eut pas le courage de dîner avec sa « sœur ». Ainsi il rejoignit directement son bungalow. Il entendit la petite rentrer à pas de loup, mais il ne lui adressa aucunement la parole.
Ce soir-là,  Aphrodite lui vint en rêve. Hedge s’attendait à se faire gronder pour son comportement immature et impulsif, mais il n’y eut rien de ce genre. Elle lui expliqua la situation de la fillette, Athénaïs, il apprit son prénom en même temps, et la lourde perte qu’elle venait de traverser. Hedge se rendit compte avec étonnement qu’il était en train de se prendre d’affection pour elle. Après tout elle n’avait pas choisi son père, elle non plus. Le lendemain, Hedge parti se présenté à la petite Athénaïs. Il s’excusa et inventa un petit mensonge pour ne pas blesser la jeune fille avec son comportement. Hedge l’ignorait mais la déesse l’avait quelque peu influencé, ou du moins elle l’avait aidé à se défaire un moment de son trait de tête de mule… Mais après une relation étroite de frère-sœur,  Hedge redevint distant avec  elle. Elle grandissait à vue d’œil devenant une petite femme. Hedge prit largement ses distances, tout en gardant toujours un œil sur elle. Il intensifiait ses entraînements, et visait plus haut à chaque cours. Il devait se concentrer sur lui-même s’il voulait devenir le meilleur des Alphas. Le travail le plus difficile pour lui était la maîtrise de ses pouvoirs et de soi… Les séismes qu’il provoquait prenaient de temps à autres une amplitude non escomptée…  Très récemment, suite à une énième dispute avec un Arès, le Japon fit les frais de son caractère impulsif…
Il l’aurait réduit à néant ce bouffon si une fille d’Athéna, qu’il appréciait, n’était pas intervenue. Le fils du Dieu de la Guerre s’était amusé à évoquer son passé douloureux. Peu de gens se rappelait l’arrivée d’Hedge au Camp des Sang-Mêlé, mais encore moins pouvait vous dire ce qui c’était passé encore avant… Sa mère l’avait élevée seule jusqu’à ses 11 ans, et mourut bêtement dans un accident de voiture. Une culpabilité monstre sommeil  dans le cœur d’Hed, c’était lui qui avait demandé à sa mère d’aller acheter du chinois pour le repas du soir. Il avait mis la table, avec des bougies, et des pétales, comme dans les films ! Mais ce ne fut pas sa mère qui sonna à sa porte, mais une jolie demoiselle, qui lui promit de l’emmener dans un endroit sûr pour attendre sa maman. Il n’a plus jamais revu sa mère, et ce fut Monsieur D, avec sa douceur et sa gentillesse légendaires, qui lui annonça la nouvelle. Cette culpabilité est toujours enfouie, au plus profond d’Hedge et se manifeste par son impulsivité. Mais toutes ces années au camp lui ont appris combien il est bon d’avoir une famille, même si l’on ne s’entend pas avec tout le monde.