DEUX ANS AUPARAVANT
Cher journal,
C'est étrange. Non, c'est pire que ça. C'est pire que tout. C'est hallucinant. Comme si du jour au lendemain, ma vie - aussi pourrie soit-elle - s'était transformée en une histoire sans fin. Tout ça me donne mal à la tête, j'ai presque envie d'étaler mon déjeuner sur le sol. Par tous les dieux,
mais qu'est-ce qu'il m'arrive ? C'est pas possible. J'y crois pas. Je me suis réveillée dans la chambre de notre appartement, à Seattle. Ma tutrice avait insisté pour que je me lève un peu plus tôt, ce matin. Mais comme l'aurait fait n'importe quelle adolescente, j'ai traîné. Je suis resté dans mon lit une bonne demi-heure avant de l'écouter. Elle avait l'air chamboulée, comme si quelque chose la préoccupait. Elle tournait en rond, fouillait les tiroirs en me hurlant dessus. Jamais je n'aurais cru que m'habiller était si important pour elle. Mais comprenez-moi. Je venais de me réveiller. Et j'avais la dalle. en râlant, j'ai exécuté les ordres.
Lorsque je suis sortis de ma chambre, désormais habillée, elle m'a tendu mon bonnet et mon écharpe. Son sac était renversé sur le sol, ses clefs étaient dans ses mains et ses yeux étaient rouges. Elle me regardait d'un œil mauvais, comme si soudainement, j'avais la peste. Ce qui était certain, c'est qu'elle avait un brin, et un bon nombre de problèmes. J'aurais voulu lui demander ce qui se passait, mais elle ne m'en a pas laissé le temps. Elle m'a craché au visage, m'a insulté de tout ce qui lui passait par la tête puis m'a reproché de lui avoir attiré beaucoup trop d'ennuis avant de me mettre à la porte.
Génial. Je peu vous dire que je m'en souviendrais
toute ma vie. Garce !
J'étais pommé. Abandonnée. Je me tenais devant ma porte, bouche bée, ne sachant comment réagir. Soit j'éclatais de rage et je démolissait cette porte, ainsi que la femme qui se trouvait derrière, soit je me débrouillait pour que quelqu'un d'autre le face à ma place. Comme ma véritable mère, par exemple. Faudrait-il encore qu'elle soit présente. Mais on lui pardonne, c'est mon beau-père qui l'empêche d'élever sa fille convenablement. Enfin, pas exactement. C'est plutôt moi qui ait fait une maladie quand j'ai appris qu'il s'agissait de mon professeur de mathématiques. Matière que je ne maîtrisais absolument pas, au passage.
- Très bien ! T'auras ça sur la conscience, vipère !
Hurlais-je à son attention.Sur ces mots, j'ai tourné le dos à l'appartement, enfilé mon bonnet et je suis partit en laissant derrière moi un vieil immeuble. J'avais froid, on était en plein moi de févriver. J'avais faim, il était dix heure passé. J'étais sur les nerfs, et la dernière chose qu'il me fallait, c'était rencontrer ce gars.
Alors que je marchait tranquillement, il m'a bousculé avec force contre une clôture. Grand, maigre, avec des yeux luisants et un manteau noir. Et des griffes, de grandes et épaisses griffes... Attendez une seconde. Des griffes ?
J'avais juste eu le temps de reculer, qu'il s'était aussitôt lancé sur moi. C'est là que je l'ai vu. Réellement. Et il n'avait rien d'humain.
Naturellement, j'ai poussé un cri. C'était la seule chose dont j'étais capable, du haut de mes un-mètre-cinquante. J'avais au dessus de moi l'oeil jaunâtre d'un cyclope, qui me fixait avec méchanceté, avec envie et avec faim. Ce qui au passage, n'avait rien de très rassurant. Je me suis soudain rendu compte qu'il fallait que je me sauve, et vite.
Du tac au tac, je donnais un coup de genoux dans le ventre du monstre et reculait en rampant comme je pouvais. J'avais réussit à me relever à temps pour éviter un de ses coups de poings. Le sol était fissuré à l'endroit où reposait auparavant ce qui semblait être mon visage.
Et c'est là, que tout a commencé. C'est un garçon qui a surgit de nul-part, et qui a commencé un combat contre l'homme au mono-sourcil. Partant à main nu, il l'a distrait d'un coup de poing, afin que ce dernier se concentre sur lui. Plan qui a son grand-malheur, a vraiment bien marché. Il semblait assez sur de lui pour pour sortir de sa poche une flûte. Non mais... Une flûte, quand même. Un flingue, ça aurait pu passé, mais une flûte, faite de bois ! Je n'y croyais pas. Mais dans quel foutoir je m'étais encore fourrée. D'autant plus qu'après l'avoir fait disparaître, il s'est tourné vers moi avec un immense sourire hollywoodien. Comme si rien de tout ça ne s'était passé.
- Alors c'est toi, Hanna. J'ai eu un mal de fou à te trouver, et ça m'a pris un moment !
Il m'avait regardé de haut en bas. J'étais à deux doigts de craquer, mais surtout incapable de prononcer quoi que ce soit, incapable de faire quoi que ce soit, incapable de bouger. Je n'avais quand même pas rêver, on est d'accord. Mais alors, pourquoi mon héro avait-il des jambes velues, et marchait avec des sabots ? J'hallucinait. S'en était trop. Je sentais tout mon corps me lâcher, et partir en arrière. Puis plus rien.
Je me suis réveillée dans un lit. Ma tête me faisait étrangement mal, et la lumière était si dense que j'aurais juré avoir une lampe de poche collée à mon visage. Au début, je pensais avoir rêver. Tout me semblais lointain, et flou. Je me redressais difficilement en ayant la sensation d'avoir épuisé toutes les forces de mon corps. Puis, quand j'ai levé la tête pour examiner les lieu - qui jusqu'à présent m'étaient inconnus - je les ait remarqués. Ils étaient nombreux, réunis autour de moi.
- Vivante !
Hurlait un petit blond.- Assuré, elle est réveillée Camden !
Confirmait un second, d'une voix plus grave.- J'arrive, j'arrive,
soupirait un dernier en se dirigeant vers moi. Il était lui aussi blond, plus vieux que les autres. Il inspirait la confiance, avait une voix rassurante et un regard plein de sagesse. J'avais devant moi un ange. Étais-je morte ? Je ne pensais pas. Ma tête me faisais atrocement mal, un peu trop pour être au paradis. Je posais ma main contre mon front, remarquant des bandages.
- Où suis-je ? Prononçais-je difficilement.
- A la colonie des sangs-mêlés Hanna, bienvenue parmi-nous, répondait-il d'un ton enjoué.
- La.. Murmurais-je, quelque peu troublée. Je te demande pardon ?
- Ne t'en fais pas, tu es en sécurité chez nous. Désormais, tu vivras ici. Un des pensionnaires t'accompagnera voir le directeur une fois que tu pourras te lever.
- Mais je dois.. Commençais-je à nouveau, avant qu'il ne me coupe la parole.
- Arrête de te poser des questions et reposes-toi.
C'était dit. Après avoir reçu et posé des millions de questions aux pensionnaires, j'avais appris tout ce que je devais savoir sur mon aventure, mon existence et ma venue ici. Le problème, c'était qu'on ne savait pas qui était réellement mon père. Ou ma mère, en l’occurrence. Ce qui me semblait assez déstabilisant pour l'instant.
C'est dans cet état que je dus rencontrer ce taré de Monsieur D. Son nom ne m'inspirait déjà pas - la dernière fois que j'avais vu un mec comprenant un mot d'une seule lettre, c'était dans V pour Vendetta, et le mec était un terroriste - alors son caractère n'en parlons pas. Il m'accueillit avec un geste d'une courtoisie alarmante, me proposa -pardon, me força- à jouer au poker en me tapant la discussion. Autant dire que je m'amusais.
- Et donc, Antoinette...
- Hanna, Coupais-je d'un ton agacé.
- C'est pareil, marmonna-t-il. Quel est ton parent divin ?
- Je ne sais pas, je n'ai pas été reconnue. Combien de temps...
- Aucune idée, et pas envie de savoir. Les d... ah.
Le ton ô combien las de Dionysos sur cet onomatopée n'aurait jamais laissé présager ce qui venait d'arriver : je venais d'être reconnue. Monsieur D. m'expliqua, en un total de 32 secondes, que Hermès était mon père et qu'il venait de me reconnaître officiellement comme sa fille. N'y comprenant absolument rien, j'annonçais la nouvelle à Camden qui sembla aussi surpris qu'un chat qu'on venait de foutre au micro-onde.
Cette nouvelle, qui ne manqua pas de me soulager, m'attira toutefois les foudres de la plupart des pensionnaires non-reconnus. Pourtant, bien des personnes se montrèrent sympathiques avec moi - et furent convaincues d'avoir fait le bon choix en assistant aux misères que je mettais aux autres types qui ne m'aimaient pas. Finir dans la boue ou à poil dans la forêt ne plait à personne, après tout. Malgré tout, au bout de deux ans, j'ai fini par m'intégrer, mais sachez-le, les conneries sont loin d'être terminées !