« Alors c'est quoi ton petit pseudo : Amélia. , sinon tu as quel âge : Serait-ce possible de garder cela pour moi ? et tu viens d’où De France...? , non reviens ne pars pas encore, j'ai des questions, tu l'as connu où le forum : Par une amie, qui s'appelle Chuppa Chups sur Bazzart.. D'accord ! D'accord ! Continuons, as-tu des choses à dire sur le forum ? Tu l'aimes ? : Bah oui je l'aime... Je me serais pas inscrite sinon.. Une autre question et après j'ai fini, tu vas te connecter combien de fois par semaine : Je ne sais pas... Pendant les vacances, pratiquement chaque jour, mais pendant l'année scolaire ça dépendra vraiment beaucoup du boulot. . »

<< There are men who struggle against destiny and yet achieve only an early grave. There are men who flee destiny, only to have it swallow them whole. And there are men who embrace destiny, and do not show their fear. These are the ones that change the world forever. >> ~ Author Unknown.

FIRST PART : << Lucan, arrête de bouger un petit peu. >>

Il paraît que la terre sur laquelle on naît nous façonne. Dans le cas d'Anastasia Iékaterina Samarine, c'était vrai. C'était une femme froide, dure, solitaire ; comme sa ville natale d'Arkhangelsk, perdue au fin fond de la Sibérie, la ville russe la plus près du pôle nord. Arkhangelsk, la ville de l'archange. C'est un peu à un archange que ressemblait Zeus, lorsqu'elle le rencontra pour la première fois. Il avait un air distant et évasif, mais sa voix profonde et son intérêt pour la vie insignifiante d'Anastasia eurent raison d'elle. A l'époque, elle n'était pas encore la femme hautaine et mystérieuse, mais surtout brisée, qu'elle devint par la suite. Son imagination aimait l'idée d'elle et de cet archange ; c'est au cours de la nuit de leur première rencontre que fut conçu Lucan.
Le lendemain, le bel homme avec qui Anastasia imaginait naïvement faire sa vie avait disparu. La douleur fut atroce, et si vous ne l'avez pas vécu, vous ne pouvez l'imaginer. Elle se sentait trahie, souillée, déshonorée. Peu de temps ensuite, elle découvrit sa grossesse ; à l'initiale joie succéda rapidement l'amertume et la peine. Après la naissance longue et douloureuse de son fils unique, elle se mura dans le silence et la peine, subvenant seulement aux besoins élémentaires de l'enfant, assurant son éducation et son hygiène jusqu'à ce qu'il soit en âge d'aller à l'école.
La boucle était bouclée. Anastasia Samarine, brisée, était devenue aussi rude que la terre où elle était née.


<< Lucan, arrête de bouger un petit peu. >>

Tu hoches la tête face à ta maîtresse d'école, qui semble épuisée à te voir courir partout. Et, comme tout petit garçon, tu recommences. Ce n'est pas ta faute. Tu as besoin de bouger, d'être actif ; tu sens ton sang bouillonner dans tes veines quand tu restes assis. Emmitouflé dans ton gros manteau, tu ressembles à un bonhomme Michelin. Tu cours et tu joues dans la neige fraîche. Elle est bien poudreuse, parfaite pour des batailles de boules de neige. Hélas, personne ne veut jouer avec toi. Les autres sont comme rebutés par ton besoin incessant d'activité.
C'est la fin de la journée d'école. Ta mère, incroyablement élégante dans son long manteau noir, vient te chercher. Tu ne sais pas quel est son travail exactement, mais tu sais qu'elle gagne beaucoup d'argent. Elle te dépose un baiser sur le sommet du crâne et te prend par la main. La maîtresse l'appelle, elle se retourne.

<< Madame Samarine, pourrais-je vous parler un peu de Lucan ? >>

Ta mère te jette un regard étonné, avant d'acquiescer, et de suivre la maîtresse. Ta petite main est fermement serrée dans la sienne, comme si elle avait peur que tu t'envoles. Et vous voilà tous les trois dans le petit bureau, ta mère assise en face de ta maîtresse, parlant doucement, et toi, dans un coin, à jouer avec des voitures. Dans l'idéal, tu aurais aimé aller dehors et construire une forteresse de neige, mais tu sais que ce n'est pas le genre de choses que ta mère approuve. Tu es toujours plus calme en sa compagnie. Elle t'intimide, c'est certain. Mais elle sait canaliser ton énergie.

<< Madame, j'ai peur que quelque chose n'aille pas avec Lucan. Il ne s'arrête jamais. Il bouge tout le temps, il ne sait pas se calmer. Il est trop bavard, pas assez concentré. Ses notes sont irrégulières, alors que je sais qu'il a du potentiel. J'en ai discuté avec le pédopsychologue de l'école, et il pense que Lucan est hyperactif. >>

Ta mère te jette un regard dénué d'expression, le seul regard qu'elle t'ai jamais adressé. Vous quittez l'école après l'entrevue, et ta mère ne dit pas un mot. Lorsque tu es avec elle, tu ne parles pas, tu es tranquille. Vous rentrez dans votre appartement, et aussitôt, elle ne t'adresse plus la parole. Tu es un peu perdu. Tu décides de monter dans ta chambre et tu y passes la soirée. C'est comme ça que se passent toutes tes soirées, mais tu sens qu'aujourd'hui, tout est en train de changer. Et ça te fait peur.
Le reste de l'année scolaire se déroule normalement, si on enlève les séances avec le docteur Nobochkov, le psychologue que ta mère t'a trouvé.

<< Lucan, tu dois comprendre que les autres n'ont pas autant d'énergie que toi. Ils ne peuvent pas te suivre, tu vas trop vite pour eux. Tu dois ralentir. Je vais t'aider à faire ça. Nous allons trouver une stratégie, mon garçon. Et tout ira mieux ensuite. >>

Tu essaies tout. Tu commences le hockey, tu fais des progrès rapides. Les entraînements de deux heures chaque soir de la semaine ne suffisent pas à te canaliser. Suivant les conseils du docteur, ta mère t'emmène à des cours de yoga. Lorsqu'elle est là, tout va bien. Mais lorsqu'elle te laisse avec ton professeur particulier... Le gymnase où se passent tes cours deviennent un gigantesque terrain de jeu, et tu ne t'arrêtes pas.
A l'école, tu n'as toujours pas d'amis. Tes notes remontent légèrement, car tu fais un effort, pour satisfaire ta mère et le psychologue. On commence à t'insulter. Monstre, loser, débile, crétin, tout y passe. Au début, tu fais des efforts. Tu suis la stratégie du docteur Nobochkov. J'inspire, j'expire, j'inspire, j'expire. Je ne laisse pas la colère, l'énergie prendre le contrôle. C'est moi qui les contrôle. Je suis maître de mes émotions. Je suis le maître de mes impulsions. Mais les enfants ne savent pas s'arrêter. Rapidement, ils commencent à insulter ta mère. Et là, tout vole en éclats. Tu attrapes le col du premier garçon et tu le plaques contre le mur. Tu le frappes à coup de poings, jusqu'à faire saigner son nez, puis tu engages une lutte féroce contre tous les autres. Lorsque ta mère vient te chercher, tu saignes du nez et tes cheveux sont en bataille. Tu lui jettes un regard penaud, et quand ta mère apprend ce qui s'est passé, un bref sourire éclaire son visage et son regard rayonne de fierté.

Le lendemain, tu es dans un train en partance pour Volgograd.


SECOND PART :<< Cadet Samarine, au rapport ! >>

L'école militaire pour jeunes officiers cosaques de Volgograd se dresse fièrement dans la toundra sauvage. Tu as sept ans lorsque tu y entres, et cela a un effet radical sur toi. Fini les problèmes de concentration, de bavardage, de mauvaises notes. L'école militaire te donne un cadre strict, une structure parfaite pour ton épanouissement. Tu aimes être au contact des armes, faire du sport, apprendre à se défendre. Ton patriotisme est exacerbé par les récits des héros russes, les conquêtes d'Ivan IV le Terrible, la puissance de l'Empire. Tu sais que tu veux mourir pour ta patrie, car sans elle, tu crois que tu n'es rien.
Dès le début, tu as fait une forte impression sur les instructeurs.

<< Plus vite, Pavlov, cet AK-47 ne va pas se remonter tout seul ! >>, aboie l'instructeur. Pavlov est, pour lui, une mauviette. Il a le nez pour ses choses-là, et il sait que le garçon n'est pas fait du même bois que les autres.

Il balaie son regard à travers la salle, où une vingtaine de nouveaux élèves s'affairent à remonter péniblement l'arme. Ses yeux tombent sur un petit blond, qui, assis à son pupitre, les mains sur les genoux, observe son arme remontée. L'instructeur sait d'instinct que le travail est parfaitement effectué, l'arme est nettoyée et huilée, prête à l'emploi. Et ça ne fait que cinq minutes que l'exercice vient de commencer. Pas mal, pour un novice. L'instructeur feuillette son trombinoscope, histoire de mettre un nom sur cette tête blonde. Puis, il aboie :

<< Cadet Samarine ! Au rapport ! >>

Le garçon sursaute, lève les yeux. L'instructeur est stupéfait par la froideur qu'il y voit. Les deux mirettes du cadet sont bleus iceberg, trait caractéristique des Samarine. Le blondinet répond d'une voix poli et ferme.

<< J'ai remonté mon arme, monsieur. Elle est prête à l'usage. >>

L'instructeur ne vérifie pas. Il sait que le jeune Samarine a raison. Plus tard, il parlera de lui comme sa meilleure recrue.

Tu poursuis ton bonhomme de chemin à l'école des cadets cosaques. Tu apprends beaucoup de choses. Sur l'histoire de ton pays, bien sûr, mais aussi sur les armes, les stratégies des grands généraux ; tu apprends à parler anglais, espagnol, chinois, allemand, grec. Les langues sont importantes, puisque certains des élèves de l'école deviendront analystes dans les services secrets. Tu te débrouilles bien dans chacune d'entre elles, mais ce que tu préfères, ce sont les cours d'escrime et de tir. Tu es doué avec un sabre, mais ton arme de prédilection, c'est l'arc. Ta précision est mortelle, tu ne rates presque jamais ta cible. Tu es bon avec un fusil de chasse, aussi, mais tu n'aimes pas le bruit qu'il fait. L'arc t'offre précision et discrétion. Tes instructeurs décident de te donner une formation plus poussée en tir à l'arc, en tir au fusil. On te fait tirer sur un cheval immobile, sur un cheval lancé au galop ; en temps venteux, en temps de pluie, par moins vingt degrés, par trente degrés. Tu deviens bon, même très bon. Lorsque tu rentres à Arkhangelsk, pendant les vacances d'été, tu vois dans les yeux de ta mère ce même regard fier, que tu avais remarqué il y a ce qu'il semblait être une éternité, lors de cette bagarre à l'école. A douze ans, tu es déjà plus grand qu'elle. Elle se pavane fièrement dans les rues d'Arkhangelsk à ton bras.
A l'école militaire, on t'apprend également à te conduire en parfait gentleman. Tu profites de la compagnie de la gente féminine lors du bal de Noël, mais tu ne tentes rien. Tu sais que c'est le renvoi assuré sinon. Beaucoup t'attirent, mais tu t'en tiens à ton rôle de cavalier, menant les danses et offrant un verre de champagne lorsque les demoiselles sont fatiguées. Ton éducation militaire a fait de toi un homme fort, droit, juste ; mais elle t'a fait rêver de guerre, de batailles sanglantes, de morts glorieuses. Tu ne penses qu'à mourir dans une guerre pour servir ta patrie.
Un été, tu rentres de balade avec ta mère, perplexe car elle a été encore plus silencieuse que d'habitude, t'écoutant à peine lorsque tu lui parlais d'un de tes rêves récurrents, celui où tu défends vaillamment des populations civiles afghanes contre les terroristes, avant de mourir glorieusement. Vous vous arrêtez brusquement dans une rue adjacente à votre domicile. Ta mère te regarde, et elle te dit tout. Toute la vérité. Sur ton père, sur toi. Au début, tu crois qu'elle a perdu la tête. Toi, fils de Zeus ? N'importe quoi. Mais alors, ta mère met en évidence certaines de tes.. Capacités. Tu as toujours su quand il allait neiger, pleuvoir. En général, il faisait toujours plus beau quand tu étais heureux, et toujours plus froid quand tu étais d'humeur maussade. Ton affinité avec le grec ne tenait pas juste au fait que l'alphabet était le même. Tu es toujours aussi perplexe, mais tu ne peux pas nier les faits, car tu les connais et tu t'es souvent interrogé là-dessus.

Le lendemain, tu es dans un avion pour New York en compagnie de ta mère.



THIRD PART :<< Putain, t'es un homme ou un cheval ? >>




Tu as rarement été autant déboussolé par le changement. Tu résides au camp des Sang-Mêlés depuis maintenant trois semaines, et si au départ, tu ne voyais pas la différence avec ton école de Volgograd, elle se fait sentir à présent. Tu viens de fêter ton treizième anniversaire, et dans ton groupe d'étude, certains ont dix-neuf ans. Tu es perplexe quand tu vois que l'ambiance grecque antique côtoie les technologies du vingt-et-unième siècle. Ce qui te surprend le plus, c'est peut-être le Wi-fi dans ta tente.
Tu apprends donc le grec ancien, la mythologie grecque, les compétences basiques de survie dans la nature. Rien de bien neuf sous le soleil. Tu continues l'archerie (pour ton plus grand bonheur), l'escrime et l'équitation (sous des formes différentes, évidemment). Tu n'as pas vraiment d'amis, là non plus. A l'école militaire, tu en avais quelques-uns, des garçons motivés et patriotes comme toi. Mais ici... Tu as rencontré certains de tes demi-frères et demi-sœurs, mais tu as du mal à te socialiser. Alors, tu te plonges à corps perdu dans les cours. Les monstres des mythologies grecques te fascinent, et toujours aussi perplexe, tu te demandes si ils existent vraiment. Tu oses à peine y croire. Le monde duquel tu viens n'est pas loin. Mais, ce qui te rend sans voix, c'est ta rencontre avec les centaures. L'un d'entre vient te parler, mais tu l'écoutes à peine.

<< Putain, t'es un homme ou un cheval ? >>

Cela ne te ressemble pas. Cette grossièreté, le fait de couper les gens. Mais tu ne peux pas y croire. C'est là que tu craques. C'est un peu trop pour toi. Un jour, tu es en train de tirer dans la toundra russe, l'autre, tu es un demi-dieu conversant avec un foutu centaure.
Tu t'isoles. Tout était plus simple quand tu étais simplement Lucan Samarine, le cadet prometteur de Volgograd. Car avec l'éducation au camp, s'est brisé ton attachement à la patrie. D'un coup, ta vie n'a plus de sens ; que vas-tu faire ? Aujourd'hui, quatre ans après ton arrivée au camp, tu n'en sais pas beaucoup plus. Toujours aussi perdu dans ta tête, dans ton toi, tu es écrasé, noyé sous les identités qu'on veut que tu assumes. Tu ne sais pas si tu es Lucan Samarine. Tu ne sais pas qui est Lucan Samarine. Cependant, tu es décidé à ce que cela change. Tu n'es pas du genre à te morfondre, et tu as parcouru du chemin pendant quatre ans. Tu ne sais pas où tu vas exactement, mais une chose est sûre, tu y vas. Tu sais que tu trouveras un jour comment concilier tes deux identités, car tu sais qu'elles sont conciliables, et ce jour-là, tu deviendras toi.