« Alors c'est quoi ton petit pseudo : Jim'/Jumanji , sinon tu as quel âge : 17 ans et tu viens d’où Belgique , non reviens ne pars pas encore, j'ai des questions, tu l'as connu où le forum : par Z. Adam Khan. D'accord ! D'accord ! Continuons, as-tu des choses à dire sur le forum ? Tu l'aimes ? : Je l'aimerai quand j'aurai un thème à mon effigie 8) . Une autre question et après j'ai fini, tu vas te connecter combien de fois par semaine : 17 heures 42 minutes et 53 secondes . »

Un arc à flèches noir pompeusement nommé Korakas, ainsi que les flèches qui vont avec, faites en plumes de corbeau, dans un carquois inépuisable + un bâton de majorette extensible à souhait (bien qu'elle n'aie jamais fréquenté cet organisme de danseuses de fanfare).

Celui qui n'a jamais été poursuivi par un sanglier femelle maléfique ne pourra jamais dire que sa vie est complète. Je parle par expérience, croyez-moi sur parole. Il n'y a pas grand chose qui peut s'avérer plus terrifiant qu'un suidé qui vous poursuit dans la rue en grognant. C'est trompeur : ça court vite ces bêtes-là. Mais il est tout à fait compréhensible, et c'est pour cela que je vais vous expliquer ma folle soirée, que vous vous demandiez "Comment cette pauvre cloche s'est-elle retrouvée seule dans la rue avec une laie aux fesses ?".
...Ca peut paraitre un peu ridicule, dit comme ça. Donc, pour un soucis de véracité, je m'autorise un petit dernier aparté avant de relater ma vie passionnante, histoire que vous vous visualisiez le morceau : Une truie classique, bien que flippante, aurait fait pâle figure face à ce gros tas puant et grognant. 2 mètres au garrot, facilement 500 kilos, des crocs dignes des "Dents de la Mer" et, malgré tout, une vitesse de pointe affolante. Nul doute que cette monstruosité se faisait 10 nanas comme moi au petit déjeuner... et je faisais sans doute de casse-croûte pour stopper sa fringale nocturne. Enfin bref, je vous propose de remonter sans attendre de quelques heures auparavant ces terribles événements (admirez mon talent de dramaturge pour accentuer le drame).

Selon mon horoscope (on ne peut pas vraiment le considérer comme une référence, mais il s'avéra plus tard qu'il avait tapé juste), c'était un jour clairement pourri. Rien que cela aurait dû me convaincre de retourner me coucher, mais je suis à bien des égards inconsciente et bien trop courageuse, prête dès le matin à affronter ce climat tendu. Cela est sans doute aussi lié au fait que je n'aime pas vraiment dormir, je ne rêve jamais de poneys arc-en-ciel et de fées princesses (vous avez dit "clichés" ?), mais plutôt de monstres purulents torturant de pauvres adolescents. J'ai bien tenté d'analyser mes rêves -j'ai demandé des tonnes de bouquins pour ça- mais ça ne m'a valu qu'une dizaine de visites chez le psychologue. Au bout d'un moment, il a jugé inutile de me revoir, parce que j'étais "guérie" (la grosse blague, c'est pas parce que j'ai bouffé tes granules dégueulasses que j'fais des rêves gentils mignons, que du contraire), mais je pense qu'il y avait une autre raison pour cela : A mon humble avis, je l'avais tellement traumatisé avec mes histoires qu'il en était devenu tout aussi atteint psychologiquement que ses patients. Tant pis pour lui. Fallait pas faire ce métier, mon grand.
Bref. Ah oui, petite parenthèse : Comme vous avez pu le remarquer, j'ai tendance à délayer et à me perdre dans les ramifications des mes histoires. Cela étant la faute d'un déficit de l'attention, j'ai dû mal à me fixer sur une seule idée. En espérant que cela ne vous gêne pas (et de toute façon, si ça gêne certains, je m'en tamponne le coquillage).
Donc, le début de la journée était on ne peut plus basique : je me réveille, je prends un petit-déjeuner, je me douche, je m'habille, j'vais au petit coin, bisous Maman et j'm'en vais. Rien de bien transcendant en somme. Je dis seulement "Bisous Maman" dans la mesure où mon père ne vit pas avec nous. Je sais pas vraiment où il vit tout court en réalité, ni même qui il est. J'ai bien tenté de tirer les vers du nez à ma génitrice mais elle ne se montre jamais très loquace quand il s'agit de mon père... Non, en fait elle n'est pas loquace du tout. Elle fait plus figure de légume fossilisé shooté aux antidépresseurs. Je pense que c'est le départ de mon père qui l'a plongée dans cet état. J'ai fait mon éducation quasiment toute seule, à part dans ses rares moments de conscience. Je n'ai rien à envier à la Mathilda de Roald Dahl (mis à part ses pouvoirs à la Carrie White) : on a toutes deux été livrées à nous-mêmes sans tuteur fiable.
Pour en revenir à mon père : Dans mes premières années, j'harcelais ma mère de questions diverses et parfois idiotes. Je me souviens d'un épique "Papa il avait de gros doigts ?" mais je trouvais important de savoir cette information. Je m'étais mis en tête de faire une représentation graphique de ce paternel inconnu et il me semblait que la taille des doigts était un facteur significatif. J'étais intimement convaincue qu'il était blond, ma mère ayant des cheveux noirs dont je n'avais pas du tout hérité. Toujours est-il que je n'ai jamais terminé ce dessin. Jamais entièrement du moins, dans la mesure où j'en avais fait plusieurs essais jamais satisfaisants. J'ai eu par la suite l'élan de génie de regarder les rares albums de famille. Et bingo. Il n'y avait qu'une seule photo de nous trois (je n'avais jamais vu ma mère sourire autant, elle est jolie en fait). Un homme blond très beau me tenait dans ses bras, dans une couverture (ou alors il tenait juste du linge sale, mais c'était une drôle de photo sinon... "Notre première lessive"...). Ceci me conforta à l'idée qu'il ne nous avait pas abandonnées délibérément dès qu'il avait eu vent de mon existence foetale. Son image s'en retrouva moins ternie dans mon esprit, plus positive. J'avoue qu'avant cette preuve, j'avais la sensation que c'était un lâche fini pourri jusqu'au trognon.
Voilà, le décor est plus ou moins planté, je reprends mon histoire. Où en étais-je ? Ah oui, j'étais sur le chemin de l'école. Je vais à l'école à pied, aucun bus ne desservant ma rue. Ce n'est pas vraiment un handicap, dans la mesure où je vis à deux pâtés de maisons de mon établissement. Evidemment, je peste lorsqu'il neige (rarement) ou qu'il pleuve (plus fréquemment), lorsque je voyage trop chargée (vive les exposés), ou lorsqu'il s'agit des deux. Ce jour-là, je n'étais pas encombrée. Je n'avais pas l'ombre d'un manuel scolaire dans mon sac, aucune trace de stylo-bille ni même de feuilles de cours. Grand Jour (notez la majuscule) qu'était aujourd'hui. Il s'avérait que mon établissement scolaire était friand de concours inter-écoles et mettait à profit tous les petits clubs possibles et imaginables pour tenter de remporter une médaille. Et vas-y que j'envoie les petits chimistes faire un concours de sciences, et vas-y que j'oblige les joueurs d'échecs à se confronter à d'autres grosses têtes. Bon, mes exemples sont mal choisis, et laissent penser qu'il n'y a que des Jimmy Neutron dans mon école -loin de là ! Il y a aussi des clubs inutiles, comme celui des Mangeurs d'Hot-Dogs (ils n'en sont pas en reste, on les a envoyé à un concours du mangeur le plus rapide. Ils furent les premiers à perdre... Etrange pour des gars qui s'enferment des heures et des heures pour "s'entrainer". Une enquête intérieure méga secrète conclut que les gars qui se prétendaient mangeurs de hot-dogs en consommaient seulement la saucisse et, sans doute par soucis d'économie, préféraient s'entrainer avec celles qu'ils avaient de manière congénitale au lieu d'en acheter à l'épicerie. Pourquoi pas ? Bon, y a d'autres endroits pour faire de petites sauteries de ce genre que le lycée mais bon, le danger et tout ça, ça alimente les fantasmes. Pardon, ma passion pour les ragots vient de reprendre le dessus...). Toujours est-il que, même si elle n'est pas obligatoire, la participation à l'un de ces clubs est vivement encouragée. Je comptais pas vraiment m'inscrire à l'un d'eux, mais pour faire bien j'avais créé mon propre groupe (une idiotie de fan-club pour une mascotte de corn-flakes, Honey Pops) et éviter de le promouvoir (manquerait plus que ça fonctionne, cette connerie). Cependant, le proviseur a détruit tous mes espoirs en m'annonçant que, s'il n'avait pas assez d'effectifs, mon club allait passer à la trappe. A mon avis, il voulait le détruire car il ne pourrait pas nous insérer dans une compétition estudiantine ou l'autre avec un tel concept. Plutôt que de me retrouver entourée de gros nazes cherchant à éviter les clubs exigeant certaines capacités qu'ils ne possédaient pas et estimant que mon fan-club était l'endroit idéal pour glander, j'ai décidé de le dissoudre... Pour, au final, rejoindre un autre club. Enfin non, deux autres clubs, mais j'ai été renvoyée de l'un d'eux. Mais je vous expliquerai cela par la suite.
En résumé, la réussite à ces concours est un point d'honneur de la direction, qui serait prête à tout pour être au point, quitte à dispenser ses élèves d'une journée entière de cours pour répéter encore et encore le jour J.
J'entrai dans le bâtiment et me dirigeai vers l'auditorium. Plusieurs clubs peuvent s'y produire, claquettes et théâtre notamment, mais moi, j'opère dans un autre secteur.
Je poussai la porte coupe-feu et avançai à côté des rangées de gradins vers la scène. Les autres filles (je constatai avec horreur que j'étais la dernière) semblaient être un peu perdues, entre l'attente et la répétition. Certains étaient sur la scène et tournaient quasiment en rond en faisant des vocalises tandis que d'autres étaient affalées sur les sièges. Juste une, manifestement en colère étant donné la couleur pivoine qu'avaient ses joues, se tenait au centre de tout ce désordre en aboyant comme un chihuahua sur toutes les pauvres filles. Une sorte de méga-radar ou une autre mutation du genre la fit se retourner vivement vers ma direction.

« Ah ! Enfin ! Mademoiselle Maybird s'est décidée à nous rejoindre, on a presque failli attendre ! »

Je vous présente Tess. Je sais que niveau ironie, elle n'est pas vraiment originale mais elle peut être méga flippante quand elle veut. Et, bien évidemment, la chieuse tyrannique est la chef du groupe.
Parlons-en du groupe, puisqu'il s'agit bel et bien d'un groupe de chant. Pas une chorale (le glee club, c'est has been), un groupe a capella. Donc, oui, je passe mon temps à faire des "pout pout pout pout" en arrière-fond (parfois quand je regarde Tess, ma langue fourche et je dis "pute pute pute pute"), des bruits tout aussi étranges mais parfois, j'ai l'honneur d'avoir des solos chantés avec de vrais mots et de vraies phrases.  

« Je t'en prie Tess, j'ai à peine trois minutes de retard, quatre à tout casser. »

J'espère qu'elle se rendait compte de sa propre sottise. Elle parut déstabilisée un instant, comme si c'était le cas, mais se reprit bien vite.

« Tu ne te rends pas compte de tout ce qu'on peut faire en trois minutes. Alors en quatre, je ne te raconte pas ! Dépêche-toi à monter sur le podium. Vous aussi, les gros tas ! » (cette dernière phrase étant destinées aux avachies du premier rang)

Je me souviens avoir soupiré, et être montée sur la scène (pour une fois que je suis docile et obéissante). Je n'avais pas vraiment envie de faire un scandale. J'étais placée au centre, entre une dénommée Poppy que je connaissais à peine et mon amie Belle. C'est elle qui m'a incitée à rejoindre ce groupe. Ou plutôt contrainte. Elle m'avait repéré lorsque j'étais encore dans mon premier club, celui des poulettes qui agitent des froufrous aux matchs de foot. Enfin, il faut avouer que tout le monde me repérait dans ces moments. J'en étais pas consciente sur le moment, mais quand des joueurs s'arrêtent en pleine action de jeu pour vous regarder, il y a visiblement un problème (sauf lorsqu'il s'agit de l'équipe adverse, mais ce n'était pas garanti). J'ai donc été renvoyée pour "Incitation à la déconcentration" ou un autre motif idiot du genre. Belle, renarde sournoise, m'a carrément agressée en me tenant un discours comme :

« Hé toi, j'ai vu que tu bougeais bien. Tu sais chanter aussi ? J'suis sûre que tu sais chanter. Chante. »

Il y avait une telle détermination dans sa voix, qui semblait ne pas pouvoir tolérer la contradiction, que j'ai bien failli accepter. Sauf que j'aime pas vraiment obéir aux rageuses qui accostent les gens en leur demandant de se prendre pour Britney Spears. J'pense avoir baragouiné une réponse pleine d'élégance avant de tourner les talons et d'être partie :

« Va te faire foutre. »

Enfin, j'ai eu l'intention de partir, mais cette harpie me tenait fermement le bras entre ses serres.

« Tu chantes ou je dis à tout le monde que... que... que t'es une petite cochonne qui... qui a couché avec le coach et... que quelqu'un vous a surpris... donc c'est pour ça que t'as été virée des pompom girls ! »

« Tu regardes trop de séries TV. Personne croirait un truc aussi absurde. Surtout vu la gueule du coach en question. »

Alors j'ai lu un désarroi énorme dans ses yeux (je suis en bonne voie pour être mentaliste), que j'en ai eu de la peine. Cette fille me semblait ignorer toute esquisse de la bienséance et de la politesse, mais j'aimais ça. Elle avait du cran, et beaucoup trop de gens en manquaient dans ce monde, ce qui était bien dommage. J'avais donc une certaine propension à aimer les gens un peu moins convenus que la norme. Je soupirai. Il me semblait presque vital de parler avant qu'elle ne se mette à pleurer, ce serait le comble. D'autant plus que je ne voyais rien de particulièrement poignant à demander à une inconnue de pousser la chansonnette.

« Booon, c'est d'accord. Hum. (moment d'intense réflexion afin de trouver une chanson aux paroles fraîches dans mon esprit) It's you, it's you, it's all for you, everything I do. I tell you all the time heaven is a place on Earth with you. Tell me all the things you wanna do. I heard that you like the bad girls, honey, is that true? It's better than I ever even knew. They say that the world was built for two, only worth living if somebody is loving you. Baby now you do.»

Pour les quiches en musique, il s'agit de Video Games de Lana del Rey. Belle chanson, bien qu'un peu triste. Je ne me considère pas comme particulièrement candide, mais les chansons d'amour, j'aime beaucoup. C'est un peu mon péché mignon. Pourtant niveau romance, je plafonne au célibat de longue durée. Ca doit être de famille, l'Amour semble avoir quitté notre foyer au départ de mon père. Bon, évidemment, il y a eu quelques flirts de temps en temps, mais les histoires sérieuses furent beaucoup plus rares. Le plus fréquemment, ce sont des garçons ayant le bas-ventre fébrile qui viennent m'accoster. Sérieusement, j'ai l'air d'une fille facile ? Certes, je mentirai en disant que j'ai toujours refusé, mais enfin, je suis pas une fille de joie, une hirondelle de trottoir, appelez ça comme vous voulez. Parfois même, certains garçons sont vachement insistants et j'avoue qu'il m'arrive de paniquer sérieusement. Mais un coup de genoux dans les valseuses calmerait le plus fier des taureaux.
Bref, laissons tomber les taureaux et retournons à nos moutons. Ou plutôt à notre brebis, Belle.
La pauvre était vraiment en train de pleurer. Misère, moi qui voulait éviter cela, j'avais vraiment la poisse.

« Oh, calme-toi. »

Voilà la preuve que je ne sais pas du tout consoler adroitement les gens. J'ai même parfois plus tendance à mettre les pieds dans le plat. Ne me laissez jamais seule avec des enfants, ils risquent de ne jamais s'en remettre.
Belle essuya ses piteuses larmes d'un revers de la main peu élégant.

« C'est juste que c'était... méga magique. »

« Ah. »

Que voulez-vous répondre à ça ?

« Maintenant, j'peux savoir pourquoi tu tenais tant à cette... représentation ? »

« Bah voilà, j'fais partie du groupe a capella des Locas, et on recrute en vue de gagner un concours de chant inter-lycée. Jusqu'ici on a jamais réussi... mais avec toi, c'est dans la poche ! »

« Avec un nom pareil, pas étonnant que personne ne vous prenne au sérieux. »

Belle ignora ma remarque avec superbe. Sans doute était-elle devenue insensible aux moqueries quant à ce nom ridicule à force de les entendre. Une sorte d'accoutumance en quelque sorte.

« Nous avons déjà commencé les réunions, mais c'était surtout des mises en voix, il n'est pas trop tard pour nous rejoindre. »

Sur ces mots, elle me tendit un tract jaune avec toutes les informations.

« La prochaine répétition est dans deux jours, je compte sur toi ! Ah, et surtout : sois très pointilleuse sur l'heure. »

Et depuis, je suis une folle.
Ca fait très scénario de série pourrie, vous ne trouvez pas ? Un peu surjoué. Mais je vous jure que tout s'est déroulé ainsi. Et depuis je suis amie avec cette fille. Je vous le concède, ça peut paraitre étrange qu'une relation aussi solide se soit créée sur ce moment pas vraiment sympathique. Après tout, je l'ai bien comparée à une harpie. Comme quoi, la vie peut être étrange par moment.

Fin du flash-back dans le flash-back, revenons au moment présent mais du point de vue du passé (on se croirait dans Star Trek avec tous ces complexes temporels). J'étais donc sur scène (entre Poppy et Belle, vous vous souvenez ?). Et on a répété. C'était particulièrement chiant, à cause notamment de Tess qui beuglait pour un oui ou pour un non, donc je vous passe ce passage. Avance rapide, comme dans les Sims, jusqu'à 20h.

Nous étions dans les coulisses aménagées dans le gymnase d'un lycée voisin, après avoir comaté dans un bus pourri pendant le trajet. Nous avions revêtu notre uniforme pour l'occasion : une robe noire plutôt courte car, évidemment, il n'y avait que de belles filles dans le groupe, ainsi que des bottes. Plutôt sobre pour des prétendues "locas", mais je dois avouer que je préfère ça à une robe bariolée et un chapeau en forme d'ananas. Pour faire bref (car on est pas dans Glee ici, on se tape pas les performances des autres, c'est inutile, surtout quand on sait qu'on va gagner), nous sommes passées 3èmes.

« Et maintenant, accueillez les Locas de la Hunter High School ! »

Pas de petit "Un pour tous et tous pour un !" en guise d'encouragement, nous laissons ça aux mousquetaires. Nous sommes de la Hunter High School, nous sommes des chasseuses et nous allons tuer le petit gibier qui nous sert de concurrent. Nous sommes entrées, le menton relevé comme si nous étions des souveraines. Cette scène était notre royaume et nous allions écraser les envahisseurs. Tess ne nous accompagnait pas. A cause du stress et de ses hurlements à répétition, elle a fait une extinction de voix après la deuxième heure de répétition. Pauvre bébé. Du coup, à l'unanimité, j'ai été choisie pour mener l'équipe, bien que ça n'aie aucun impact en réalité. J'ai juste pu m'attribuer tous ses solos, et ils étaient nombreux. Mais en réalité, je me suis également permise d'ajouter et de changer quelques chansons.

« 1. 2. 3. »

Nos voix se sont élevées telles des hirondelles caressant la voûte céleste de leurs ailes immaculées. Pardon, j'avais envie d'un peu de poésie dans ce monde de brutes, surtout que l'histoire va prendre un tournant assez violent et inattendu.
Alors que mes choristes faisaient leurs "doo doo doo" et autres "uwuwuwu" derrière mon dos, j'attendais quelques secondes avant d'ouvrir les lèvres.

« My pussy tastes like pepsi cola, my eyes are wide like cherry pies. I gots a taste for men who older. It's always been so, it's no surprise. Harvey's in the sky with diamonds and he's making me crazy. All he wants to do is party with his pretty baby, yeah. Come on baby, let's ride. We can escape to the great sunshine. I know your wife and she wouldn't mind. We made it out to the other side. We made it out to the other side. We made it out to the other side. Come on come on, come on come on, come on baby. »

Encore du Lana del Rey, je sais. Mon aventure avec les Locas avait commencé avec elle et se terminerait avec elle. De plus, Cola ça fait Loca en verlan. Bon, les paroles font controverse. "Ma chatte sent le Pepsi Cola" "J'ai toujours préféré les hommes plus âgés". Moi, aguicheuse inavouée ? Prfff. Bon, peut-être qu'en étant un peu trop dans la chanson, je me suis mise à faire des mouvements langoureux avec mon bassin, petite débauche dont j'aurai pu m'abstenir, surtout en cadre scolaire. Mes partenaires dansaient, mais moi pas vraiment. Pas sur cette chanson en tout cas, "ma voix suffisant pleinement pour charmer le public". D'ailleurs, en parlant de lui, il y régnait une certaine tension, quasiment électrique.
Nous allions commencer Give Your Heart A Break de Demi Lovato (toujours des chansons d'amour, quel hasard) lorsque le premier cru fusa. Pas une huée non. Un hurlement violent, presque animal. Bientôt suivi par d'autres, de plus en plus nombreux. Et puis, il y eut un raz-de-marée de personnes en délire. La scène était assaillie de partout. Même mes camarades se jetaient sur moi. Naïvement, j'ai mis ce déchaînement sur le compte de mon choix de chanson trop osé. Je me sentais telle Cendrillon lorsque ses deux belles-soeurs déchiraient sa robe de bal. Des mains m'agrippaient de partout, par les cheveux ou par ma tenue qui partait en lambeaux. Voulant fuir cet acharnement, je me suis mise à distribuer des coups à l'aveuglette, sans distinguer qui et où je frappais. J'ai réussi à me défaire temporairement de l'étreinte et fuir dans les coulisses. J'avais l'impression d'être une joueuse de rugby qui avait eu le malheur d'attraper la balle durant un match contre la Nouvelle-Zélande, équipe dont les membres avaient muté en Hulk.
Je courrai dans les couloirs comme si ma vie en dépendait (et croyez-moi, elle en dépendait réellement), bifurquai à droite vers les toilettes des hommes (pure stratégie : qui chercherait une fille dans les toilettes des hommes ? Et puis, aller seule dans les toilettes des filles ne présage rien de bon. Pour preuve, Hermione Granger s'est faite agressée par un troll des montagnes adulte) et m'enfermai dans la dernière cabine, les pieds sur la cuvette. Je m'imaginais déjà les pires scénarios : molestée collectivement, ensevelie sous la masse ou écorchée vive. Pourquoi est-ce toujours dans les pires moments, sans personne pour vous réconforter, qu'on pense aux choses les plus affreuses ?
Tellement absorbée à ruminer avec angoisse les prochaines minutes à venir, je sursautai en entendant la porte des toilettes claquer. Puis il s'éleva dans l'air un sifflement qui reprenait... Cola de Lana del Rey. Décidément, ça me poursuivait. Au moins, je savais que l'individu était seul et visiblement pas animé par une folie quasi animale. Je m'attendais à l'entendre uriner à... bah à l'urinoir, mais à la place j'entendis chaque porte s'ouvrir les unes à la suite des autres. Il eut la bienséance de ne pas dire "Où es-tuuuuu ? Fais pas ta timide, je te trouveraiiiiiii...", avec quoi je serai décédée d'une crise cardiaque... Même si actuellement, je n'en étais pas loin.
Enfin, il arriva face à ma porte (je voyais ses baskets par l'espace entre le battant et le sol). Il tenta de l'ouvrir mais je l'avais bien entendu verrouillée (ça aurait été inutile sinon). Alors il se mit en tête de la forcer. Je m'appuyais de tout mon poids sur la porte pour la bloquer plus encore. Tentative vaine apparemment, dans la mesure où la porte disparu tout bonnement en fumée.
Je me retrouvai nez-à-nez avec une garçon un peu plus âgé que moi, pas désagréable à regarder et sans lueur assassine dans le regard (cependant, je n'accordait pas beaucoup de crédit à cette hypothèse, je n'étais pas une mentaliste confirmée). Mais ne dit-on pas "Méfie-toi de l'eau qui dort ?". Si. Donc je me méfie.
Durant quelques instants, aucun de nous ne dit mot. Moi, c'était compréhensible : j'étais debout sur une cuvette de W.-C., rescapée d'une crise de démence générale face à un garçon qui faisait disparaitre les portes. Mais à la rigueur, j'étais tellement sous le choc de l'attaque que ça me paraissait presque anodin de transformer les portes en fumée.
Alors, pour me défendre préventivement, j'ai bondi sur lui pour tenter de le maitriser, avant de me retrouver écrasée sous son poids, par une sorte de prise à la Jackie Chan. Note pour moi-même : Toujours avoir une bombe de gaz au poivre à portée de main ET apprendre le kung-fu.

« T'as foutu un beau bordel là-bas ! Heureusement, ça s'est calmé, et tout le monde s'en est remit. C'est presque oublié ! »

Quoi ? Ce mec avait fouillé les toilettes de fond en comble pour me dire cette évidence ? Comme si je ne le savais pas, tiens ! Par contre, son "c'est presque oublié" était d'une exagération peu commune. Comment pouvait-on oublier le lynchage public d'une étudiante ?
Il n'avait pas l'air de vouloir se dégager, comme si cette position était très confortable pour papoter.

« J'ai toujours été douée pour foutre la merde. »

Le garçon rit. Je l'aurai trouvé charmant s'il ne pesait pas autant (que du muscles apparemment).

« J'étais là aussi, dans la salle. J'avoue que je m'étais aussi laissé entrainer par... enfin, tu sais bien. »

« Non, justement, je ne sais pas. Je sais que la chanson et l'interprétation étaient un peu suggestives mais de la à faire le tollé général au point de vouloir m'écraser, y a un monde quand même. En parlant de t'écraser, si tu pouvais te bouger. »

L'inconnu s'excusa et se déporta vers la gauche. Quant à moi, je restai couchée sur le sol en étant persuadée que ma cage thoracique serait déformée à jamais. Histoire de ne pas avoir l'air trop idiote, je me relevai quand même après quelques secondes.

« Et pourquoi tu me cherchais après dans les toilettes des hommes ? J'étais persuadée que c'était une super bonne cachette. »

« Ca l'était. J'ai bien ratissé les toilettes des filles avant de me rendre à l'évidence que tu avais été plus maligne. Si je n'avais pas assisté à ton prodige, je t'aurai bien crue fille d'Athéna ! »

Gné ? C'était une nouvelle métaphore à la mode ? En tout cas, c'était ridicule.

« Prodige ? J'ai juste fait ma chaudasse, j'ai honte certes, mais y a rien d'extraordinaire à ça. Quant à "fille d'Athéna", je sais pas où tu vas chercher ça, ma mère s'appelle Genièvre... Mais en fait, comment t'as fait disparaitre la porte ? »

Je devais avoir des yeux de merlan frit, parce qu'il s'exclaffa. Au moins, il s'amusait, lui.

« Garde tes questions pour plus tard, tu trouveras bientôt tes réponses. Maintenant... (il jeta un coup d'oeil à sa montre) si tu veux bien me suivre. »

Et nous sommes sortis des toilettes des hommes. Heureusement qu'il n'y avait personne dans ce couloir, je n'avais pas envie qu'on dise que je me suis tapée un garçon dans les chiottes. De toute façon, même si forniquer avec ce garçon ne m'aurait pas déplu en temps normal, là j'étais trop secouée.

Je voudrais bien terminer mon histoire ici en disant que j'ai découvert qui j'étais vraiment, que je me suis quand même tapé le beau garçon et que nous sommes parti vivre ensemble dans une maison de campagne avec un golden retriever, des jumeaux et un Monospace. Mais ce n'est pas vraiment ce qu'il s'est passé. Rappelez-vous, j'ai commencé mon récit en parlant d'une truie. Et bien, elle s'est enfin décidée à pointer le bout de son groin.

Nous avions à peine fait quelques pas dans le couloir que nous avions entendu un énorme "GROUIIIIIIIIIIIIIIK" (je ne suis pas douée pour répéter exactement les bruits d'animaux, alors je fais une onomatopée classique). Nous nous sommes retournés, nous avons criés, nous avons couru comme si...non... car notre vie en dépendait. Comme dans les films de zombies. Et comme dans les films de zombies, je suis tombée et j'ai crié:

« Nooooon ! Laisse-moi, sauve ta peaaaaaaaaaaau ! »

Mais le garçon m'a porté comme un sac de jute plein de pommes de terre sur son épaule et a couru. Quand je vous disais qu'il avait que du muscle. Sauf qu'il eut le malheur de poser sa main virile sur une parcelle de ma peau à découvert à cause des déchirures dans ma robe.

« J'ai envie de toi, là, maintenant ! »

Voilà qu'il commençait à me caresser les fesses, le bougre.

« Tu crois que c'est le moment ? COURS ! »

« Non, j'suis trop excité ! »

« COURS, ON COUCHERA PLUS TARD ! »

Je ne voyais pas trop quand cependant, vu qu'on allait sûrement mourir cette nuit, mais j'avais décidé d'employer la technique de l'âne et de la carotte. Je remontai la main de mon sauveur pervers sur le tissu et il redevint moins entreprenant.
On prit de la distance, de plus en plus, par rapport à la monstruosité grognante qui nous poursuivait.

« On l'a semée ! »

Pendant un moment, j'ai eu peur que mon chevalier servant ne me dise "Alors on peut faire l'amour ?", mais il s'abstint. Heureusement. Il aurait eu de mes nouvelles sinon.
Malheureusement, j'avais parlé trop vite (à propos de la truie, pas du garçon). Je ne la vis pas refaire son apparition, je senti ses grosses dents gâtées se refermer sur mes bottes en cuir et elle tira tellement fort que j'échappai à la prise du magicien de service. Puis, la truie m'avala. Pas entièrement, bien qu'elle l'aurait pu. J'avais ma tête qui dépassait de son gosier. C'était sans doute temporaire, le temps de me transporter dans un endroit plus cosy pour me dévorer avec une sauce BBQ.
En gros, j'étais morte.
Sauf que j'avais des talons à mes bottes. Les talons sont les amis de la fille. Ils font mal. Je me mis à remuer des jambes dans l'estomac du cochon mutant, comme si je nageais. Elle s'arrêta, gémit (si tu crois que tu m'apitoies, tu rêves), toussa puis me cracha. J'étais trop fière de moi, mais l'instant n'était pas à l'auto-féliciation. Je me mis à courir encore une fois comme si ma vie en dépendait. Ca faisait déjà la troisième fois en une soirée, ça devenait lourd.

Nous voilà donc à la fin de mon flash-back. En espérant qu'il fut éclairant. Maintenant, je dois encore et toujours courir (j'aurai des mollets en acier, si je m'en sors). J'étais devenue totalement blasée après avoir vécu cette soirée que j'ai même pensé à un moment qu'il serait plus commode de pouvoir atomiser les gens (et cette truie) plutôt que d'être un fantasme ambulant.
La rue me semblait infinie. J'avais l'impression de marcher dans la semoule et de ne pas vraiment avancer. En fait, j'étais dans un rêve, tout bêtement. J'en ris tellement que c'était bête. Je m'écarquillai les yeux pour me réveiller, sauf que ça ne fonctionnait pas. Je tentai de voler (on peut toujours voler dans les rêves si on le souhaite, non ?) mais je ne décollai que de quelques centimètres (et c'est ce qui s'appelle "sauter"). Je réitérai l'expérience et, miracle, à la troisième fois, je décollai vraiment... avant de me rendre compte que c'était le garçon des toilettes qui me tenait par la main et qui volait grâce à... des chaussures ailées ? Ca, c'en était trop. Je me suis mise à chialer comme une gamine sans son doudou.

« Calme, héhé, on est hors de danger ! »

« C'est quoi tout ce...BORDEL, A LA FIN ?! J'exige qu'on m'explique ! »

« Bon, vu qu'on a tout le trajet pour parler, je vais clarifier la situation. Jure que tu ne m'interromps pas ou nous n'aurons jamais terminé ! (j'ai juré) Bien. Avant tout de chose, je m'appelle Kaleb. Je suis un demi-dieu, fils d'Hécate. J'ai certains pouvoirs de sorcellerie qui m'ont permis de faire disparaitre ta porte. Ces chaussures ne sont pas à moi, je les ai empruntées à un fils d'Hermès. Nous nous rendons à la Colonies de Sangs-Mêlés, avec pleins de gens comme nous, des enfants de demi-dieux, où nous sommes en sécurité contre les monstres, comme cette laie. La laie de Crommyon, mangeuse d'hommes. T'as eu de la chance qu'elle aie attendu un peu avant de te croquer. C'est un centaure nommé Chiron qui m'a envoyé te chercher, on avait déjà quelques satyres en filature depuis un petit temps. »

« Et qui est mon père ? Il est blond. »

« Il y a plusieurs divinités qui donnent ce don à leurs enfants. Aphrodite notamment, mais on peut la rayer de la liste tout de suite. Hermès et Eros. Et Apollon. Mais on verra sûrement ça quand tu seras reconnue par ton père... C'est drôle, d'habitude on a affaire à des gamins de treize ans, pas à des perches de 18 piges. Tes pouvoirs ne se sont pas déclarés à ta puberté ? »

« Baaaah, pas plus que des filles normales. Les garçons voulaient toucher mes débuts de seins, y a rien de magique là-dedans, si ? »

Kaleb rit encore (décidément, je devais me faire passer pour une grande humoriste à ses yeux).

« Pas vraiment, haha ! »

« En tout cas, ce fut jamais aussi violent que ce soir... »

« J'suis désolé. Ca peut être vraiment difficile à porter comme don. D'ailleurs si moi-même j'ai pu avoir des propos déplacés, excuse-moi, c'est... incontrôlable. »

« T'inquiète pas, tu avais juste envie de faire ton affaire avec moi en plein milieu d'un couloir. Rien de bien extraordinaire en somme. »

Il me regarda avec un regard mi-figue mi-raisin et je lui souris. La nuit était douce et fraîche. Une nuit parfaite pour voler pour la première fois. Je fermai les yeux de délice, une brise caressant mon visage.

« Et ma mère ? »

La pauvre, elle allait se retrouver toute seule, elle qui avait déjà été abandonnée. Mon coeur se serra à son évocation, et j'avais une certaine envie de faire demi-tour pour la rejoindre. Et retrouver une vie normale, dans laquelle les chaussures ne volent pas, les laies ne bouffent pas des humains crus et les portes de toilettes restent un rempart indestructible contre les ennemis. Mais surtout, dans laquelle je peux agir sans créer des émeutes.

« On s'en charge, mais elle est sûrement déjà mise au courant. »

Puis ce fut le silence pendant tout le reste du vol, j'étais à la fois plongée dans la contemplation du paysage sous nos pieds et dans mes pensées quant à cette nouvelle vie hautement improbable. Je n'y croyais pas encore, pour tout avouer.
Nous nous posâmes peu après sur une colline déserte.

« C'est ici ? Je... je ne vois rien. »

Kaleb me donna une impulsion entre les omoplates.

« Avance. »

Et je franchis la frontière de la Colonie des Sangs-Mêlés. C'était une vision indescriptible, effervescente. Il y avait des adolescents partout, certains portaient des armes imposantes à leur ceinture, des créatures hybrides et une multitude d'autres choses que je n'enregistra pas directement. Tout cela était trop pour une seule journée.

« Je ne pense pas pouvoir digérer tout ça facilement. »

« Haha, tu t'y feras ! En parlant de digérer, il reste peut-être encore à manger, viens ! »

Mais il fit à peine un pas qu'un énorme halo de lumière se forma autour de moi, moi qui adooooore être le centre de l'attention, surtout dans de pareilles circonstances, attirant les regards de ces inconnus potentiellement dangereux (mais regardez-moi ces épées, c'est indécent pour des jeunes !). Lorsque ce petit feu de joie nocturne s'éteignit, j'étais encore moins vêtue qu'avant (ça incite à la débauche, merci papa), avec un corset blanc, un shorty de la même couleur et des ballerines. Un carquois était accroché à mon épaule, ainsi qu'un arc à flèche. Et il y avait pleins de coeurs ridicules en papier à mes pieds.

Kaleb retourna vers moi, me tint vers les épaules et scanda :

« Souhaitons la bienvenue à June Glitter Maybird, fille d'Eros ! »

Et, après une série d'acclamations, il offrit une tournée générale (bien qu'il n'eut pas à payer, c'était gratuit), avant de me faire visiter mes quartiers.
Le bungalow était joli. Sans plus ni moins. Je n'ai pas l'habitude de m'extasier devant l'architecture et la décoration.

« Et ça c'est ton lit... »

Lourd de sous-entendus, regard appuyé. Je regardai Kaleb d'un oeil torve.

« Et jusqu'à nouvel ordre, tu n'y es pas convié. »