Tout ça n'était qu'un rêve n'est-ce pas ? Un mauvais rêve où elle tenait le rôle de punching ball humain ? Du moins, c'est ce qu'elle espérait depuis son arrivée au camp. Des heures à se faire botter le cul par des premiers de classe, des pimbêches impeccablement manucurées et autres stéréotypes vivants, putain, elle en avait chier des confettis. Les jours passaient et le cauchemar ne s'estompait pas, bien au contraire, elle en prenait d'avantage au coin du nez à coups de poings, de chutes et de prises qu'elle ne semblait pas assimiler. On la disait trop brutale, trop primaire et sans discipline, après tout ce temps, tous ces efforts pour se mettre dans le rang, sa nature première prenait le dessus pour l'envoyer au tapis, elle en avait franchement ras le cul d'être incapable d'apprendre de ses erreurs. Elle était revenue à son bungalow de bâtard avec la lèvre enflée et un coquard sous l’œil gauche qui ne risquait pas de disparaître de si tôt. Tout ce qu'elle pouvait faire était de serrer les dents et grogner toute sa rancœur sans que personne ne puisse l'écouter. Sales chiens. Alors comme presque tous les soirs, elle fouillait sa cachette secrète, pleines de trésors et butins volés à ceux qui avaient un jour osé la regarder de travers, elle y piochait une flasque remplie de ce liquide merveilleux et alcoolisé qu'elle se réservait pour les cas d'urgence. Autant dire qu'elle ne fit pas long feu, Elle avait la descente facile mais l'alcool mauvais. Les pensées malsaines ne tardaient pas envahir son esprit embrumé se mêlant à ses pulsions vengeresses jusque là maintenues au silence. Ce n'était pas suffisant, il lui en fallait plus, qu'elle sente cette pulsion grandir, se nourrir de ressentiments néfastes et d'orgueil. Elle s'était penchée de nouveau au dessus de sa cachette pour en sortir un petit pochon d'herbe, merveilleuse trouvaille dans le sac d'un compagnon. Alors qu'elle était en train de rouler soigneusement son cône, l'une de ses camarades de chambre interrompit sa méditation pernicieuse.

« Qu'est ce que tu fous ? C'est interdit ici, jette moi ça !»

Ce n'était pas le moment de la faire chier, oh non, vraiment pas. Elle lui avait lancé un regard des plus haineux ajouté d'un sourire qui en disait long sur son état d'esprit. 

« Écoute moi bien parce que je ne le répéterai pas deux fois, si tu me causes à nouveau ou que tu me balances, je te détruirai la gueule jusqu'à te rendre aveugle  et je te couperai la langue pour t'apprendre à fermer le clapet fécal qui te sert de bouche, c'est clair ou tu veux un avant goût ? ». Et Elle fila non sans la bousculer un peu.

Peut-être est-ce les rires, la lueur des flammes qui l'ont attiré jusqu'au feu de camp mais elle y était, éloignée d'abord, savourant les résidus de drogue qui brûlaient au bout de ses lèvres meurtries. Elle observait cet attroupement d'ignorants, heureux de vivre, heureux de lui avoir botté le cul. Car oui, tout ce qu'elle voyait à cet instant étaient les êtres qui l'avaient mise à terre maintes et maintes fois. Si seulement elle avait été en pleine possession de ses capacités, sans alcool, sans drogue, elle aurait peut-être pu voir qu'il n'y avait là que des nouvelles têtes fraîchement arrivées et qu'ils ne méritaient pas ses foudres. Son côté haineux avait malheureusement pris le dessus sur la lucidité. C'est ainsi qu'elle se rapprocha de la réunion de baltringues dont la joie de vivre la dégoûtait et se posta près des flammes grâce auxquelles elle ralluma le cône aromatisé. Difficile de ne pas sentir l'odeur vu la dose qu'elle y avait mis, certains même la dévisagèrent, attirés par cette fragrance étrange.

« Eh bien eh bien, si ce n'est pas mignon, une belle brochette d'orphelins dégénérés se racontant leur vie autour d'un feu de bois. »

Elle aimait laisser une bonne première impression ainsi que faire une entrée mémorable. Il est certain qu'ils allaient s'en souvenir longtemps, vu ce qu'elle leur préparait. Calmement, elle s'approcha de l'un des convives, un garçon chétif qui semblait ne pas vouloir rencontrer son regard, elle se pencha vers lui en penchant son visage sur le côté.

« Qu'y a-t-il mon chou ? Tu n'aimes pas les femmes battues ? »

Même en lui donnant de petites claques il ne croisa pas son regard, si la provocation ne marchait pas, il n'y avait donc rien à en tirer. Elle se redressa pour faire quelques pas sur le côté, admirant ces têtes de con qu'elle pensait avoir déjà rencontré. Elle s'arrêta de nouveau, devant une petite rousse à lunette cette fois, chétive, pâle, la cible idéale en somme. Oui, Elle était une lâche qui aimait s'en prendre aux faibles, c'était délectable et la victoire était assurée. Son échine se courba encore mais cette fois elle noua ses doigts dans ses longs cheveux flamboyant afin de l'obliger à fixer ses iris turquoises. Elle pris le temps de la détailler tout en inspirant une autre bouffée enivrant, contrairement à d'autres l'herbe avait des vertus excitantes. Son visage se rapprocha du sien alors qu'elle lui soufflait la fumée à plein visage, il faut avoir le sens du partage de temps en temps.

« Tu aimes ? » Lui lâcha-t-elle en un murmure. La petite écarlate n'eut pas l'occasion de répondre qu'elle enchaîna. « Tu sais ce que l'on faisait aux roux de ton espèce autrefois ? » Là encore, elle ne lui laissa pas l'occasion de souffler un seul mot.  « On les brûlait » Et sans attendre, elle mêla le geste à la parole, apposant la fraise de son pétard contre la joue de la pauvre innocente. Quelle garce ! Oui, vous pouvez le dire mais elle n'était pas dans son état normal. Quoi qu'en étant nette, elle restait tout aussi terrifiante et puis, était-ce de sa faute si elle n'avait pas vu le coup arriver. Ils faisaient moins les malins, assurément. Et pourtant, sa soif de vengeance n'était pas satisfaite, il fallait qu'ils supplient, qu'ils reconnaissent sa supériorité, ce qu'ils n'allaient pas tarder à faire vu le poing serré qui se préparait à s'abattre sur la pauvre victime.