Espace d'entraînement au tir à l'Arc” Adam s’était définitivement levé du pied gauche en ce matin de juillet. Pourtant, il avait fait des rêves plutôt cool ! Il mangeait des hamburgers, courrait après des lapins, rien de plus ordinaire. Mais … que voulez-vous, le hasard fait mal les choses. Et malgré ses jolis rêves, ce jour-là, il fut pire qu’une fille pendant ses menstruations. D’abord, son portable avait sonné vers six heures, et ça ne lui avait pas fait beaucoup de bien. Pourquoi si tôt ? Parce qu’il était musulman, et qu’il devait faire cinq prières par jour, dont une au lever du soleil. Evidemment, ça rendait fous ses camarades de dortoir, mais peu lui importait : la religion était ce qui lui permettait paradoxalement de garder les pieds sur terre. Alors en arrivant sur le camp, il avait téléchargé une application spécialement créée pour les personnes comme lui, qui ne vivent pas près d’une mosquée, mais qui souhaitent malgré tout vivre au rythme de l’Islam, et qui était chargée de le réveiller chaque matin. En plus, en ce moment, c’était le ramadan. Il n’y obéissait pas parfaitement, il ne pouvait pas de toutes façons, en s’éreintant tous les jours comme il le faisait, il était obligé de boire et de manger à un moment ou à un autre de la journée, foutue vie de Sang-mêlé. Adam tenait néanmoins à sa croyance en un Dieu. Ca paraissait stupide, n’est-ce pas, être fils d’une déesse Grecque et pourtant toujours croire à Allah ? Pas pour Adam. La religion faisait partie de lui, il avait grandi avec.

Bref, il s’était réveillé de mauvaise humeur, et rien ne semblait pouvoir arranger cela. Ensuite, il avait décidé de ne pas petit déjeuner. Ses cours de la journée n’étaient pas très intenses, alors il jeunerait. Puis, il y avait eu ce cours particulièrement ennuyant de technique de combat. D’ordinaire, il aimait plutôt bien, mais aujourd’hui, le professeur donnait l’impression de parler en dormant, comme si il avait déjà usé de toute son énergie pendant son sommeil. Voilà qui énerva le jeune homme : les professeurs se doivent d’être en état de dispenser leur cours, n’est-ce pas ? Ils l’ont passé, l’âge des beuveries et de la baise à n’en plus finir, maintenant, ils doivent se concentrer sur leurs élèves, qui eux, ont le droit de boire et de faire l’amour – enfin, pas Adam.
Evidemment, le jeune homme aurait pensé différemment s’il s’était levé du bon pied, il aurait trouvé ça très drôle, et il se serait beaucoup plus investi, mais, je vous l’ai dit, vous avez devant vous un garçon de mauvaise humeur. Puis, il y avait eu ce fameux cours de tir à l’arc. Ça, réellement, Adam n’aimait pas. Il préférait largement l’escrime, ou encore la lutte, des sports qu’il trouvait beaucoup plus nobles que l’archerie. Mais il n’avait pas le choix, il ne pouvait pas décider quels cours il voulait suivre, quels cours il voulait oublier, il devait tout apprendre, pour avoir une base solide. Mais il en avait déjà, une base solide, une base putain de solide, du genre avec des fondations qui descendent jusqu’à 40 mètres sous le sol. Il était parfaitement bilingue anglais/ourdou, il parlait couramment le latin et le grec ancien, alors que c’étaient deux langues mortes, vous vous rendez-compte combien c’est utile, dans un CV ? Certainement. Mais pas les Sangs-mêlés. Eux, ils s’en fichent. Ils veulent juste apprendre à se battre contre les grosses bêbettes à tête de taureau, vraiment utile, dans la vraie vie.

Adam avait manqué son coup. Une fois, deux fois, trois fois que la flèche manquait la cible, et ç’en était trop. Il n’avait même pas essayé de la toucher à nouveau qu’il avait tourné le dos à son professeur avait ramené l’arc dans l’armurerie. Mauvais perdant, vous dites ? Très, surtout quand il s’est levé du mauvais pied. MAIS, Adam n’avait pas que des défauts ; c’était aussi un garçon qui savait admettre ses erreurs, et surtout, qui travaillait d’arrachepied pour les réparer. Donc : après le cours, il avait sauté le déjeuner, et s’était rendu en mythologie. Lui qui d’ordinaire participait activement à cette leçon qu’il affectionnait particulièrement – certainement parce qu’il savait déjà à peu près tout – s’était juste assis au fond de la classe, et avait écouté son ventre gargouiller pendant deux heures, sans prendre la moindre note. A peine la cloche avait-elle sonné qu’il avait attrapé ses affaires, était rentré dans son bungalow pour se changer. Il avait remplacé son jean par un short sportif aux couleurs et au blason d’Harvard et son t-shirt par un marcel de la même série ; comment ça, il était nostalgique ? Adam ressorti direction l’armurerie, l’air hagard. Son colocataire tenta de lui dire quelque chose, mais il ne l’écoutait pas. Il arriva sur les lieux d’entraînement, attrapa un arc, et se fixa devant une cible. Objectif : réussir à planter une flèche au centre de la cible, plusieurs fois de suite, pour être sûr que ce n’était pas de la chance. Je vous l’ai dit, c’est un garçon persévérant, qui n’aime pas rester sur ses erreurs.

Adam avala sa salive, se concentra sur le rond rouge qu’il devait viser, ferma un œil, et lança la flèche. C’est à peine si la flèche se planta sur la cible, au plus grand énervement du garçon. Il recommença plusieurs fois, mais à chaque fois, ça manquait. Il persévérait, mais ne réussissait pas. Plus il tirait de flèches, plus sa mauvaise humeur augmentait, évidemment, puisqu’il n’y arrivait pas. Il avait envie de partir. Quitter l’entraînement, mais pas seulement : quitter le camp, cet endroit où les amis manquaient, où il avait l’impression de tout recommencer à zéro. Il décocha les flèches de plus en plus rapidement, et évidemment, il n’y arrivait pas mieux. Finalement, il jeta son arc et son carquois sur le sol, de rage. Encore un peu, et il sautait dessus, écrasait l’arme, et s’attirait du même coup les foudres de l’armurier. Il l’aurait fait, s’il n’avait pas entendu du bruit derrière lui … Quelque chose avait craqué, alors il se retint de sauter, et se retourna. Il ne s’attendait pas à voir la personne qui croisa son regard, et pourtant…

« Bonjour, Mademoiselle Jackson »

© charney