Un entraînement bien différent

L’entretien tirait à sa fin. Léon savait qu’il n’aurait peut être pas d’occasion prochaine de superviser l’entraînement de Roshario Notherfield, mais il avait l’intime conviction que suivre les progrès de la jeune fille –même de loin- pourrait s’avérer intéressant. Il était évident que le don qu’elle possédait, une fois maitrisé, pourrait lui permettre d’accéder à la classe Alpha et d’en faire une combattante redoutable. Ils conclurent l’entraînement et il profita des quelques minutes de répits à sa disposition avant la prochaine session pour noter quelques remarques sur le bloc de notes qu’il gardait à portée de main. Cet entraînement s’était avéré plus profitable qu’il ne l’avait pensé, et pour une fois, il commençait à se dire que peut-être il devrait reprendre son entraînement de corps à corps là où il l’avait laissé. Naturellement, il ne possédait pas les capacités propres à lui faciliter cette tâche : il ne pouvait prévoir les attaques de son adversaire comme Roshario, ou même soulever trois fois son poids comme le faisait Ada, mais son don, utilisé avec réflexion pouvait s’avérer très utile. Il termina de remplir le feuillet qu’il avait sous le nez et s’apprêtait à ranger ses affaires quand on l’interpella. « - Bonjour Professeur. Alors comment ça s'est passé avec la petite Roshario? Elle vous a donné du fil à retordre n'est-ce pas? »

Il leva le nez vers son interlocuteur. Un simple coup d’œil lui apprit qu’il s’agissait de Camden Atwater, l’un de ses élèves, qui s’avançait avec la démarche de quelqu’un qui se trouve là tout à fait par hasard. Léon ne pu s’empêcher de sourire. Il n’avait jamais vraiment eu affaire à Camden, à dire vrai, celui-ci était plutôt discret dans ses cours –ce qui lui permettait de supposer qu’il devait faire partie de la moitié de classe somnolente- et avait le mérite de ne pas vouloir attirer l’attention par tous les moyens. « Et bien, je ne connaissais pas Notherfield, mais j’ai rarement vu une telle combativité ! » Fit-il dans un rire en lui serrant la main d’une poigne ferme. Il trouva étrange de croiser l’Alpha sur le terrain d’entraînement, n’était-ce pas le tour des Thêtas aujourd’hui ? Léon chassa cette interrogation stupide de son esprit, après tout, il n’était pas rare que des professeurs viennent eux-mêmes s’entraîner ici de temps à autre. Il arrêta son geste, comme si il venait de se rappeler de quelque chose.

« - Hopkins et moi –enfin surtout moi-, nous nous demandions si la rumeur disait vrai. » Il sonda Camden de son regard sombre. C’était vrai, depuis quelques des bruits couraient, tout particulièrement chez les Alphas. Léon n’y avait pas vraiment fait attention, mais saisissant l’occasion, il préféra laisser libre court à sa curiosité. Après un court silence il poursuivi « - Tu parviens à lire les pensées ? »

Un entraînement bien différent

Sa curiosité satisfaite,  il ne pu s’empêcher d’être impressionné par la maturité de son ancien élève. Beaucoup d'autres auraient profité de la découverte de ce nouveau don pour humilier, voire écraser leurs camarades, d'autres encore ne se seraient pas privés de faire fructifier cet avantage en faveur de leur côté de popularité. Voilà le genre de discussion qu'il aurait probablement avec Hopkins la prochaine fois qu'ils iraient faire la tournée des bars.

«  Je ne le maîtrise pas encore très bien et ne peut donc pas l'utiliser très longtemps. Il consomme beaucoup d'énergie. D'un autre côté ce n'est pas plus mal car ce pouvoir peut devenir une malédiction si je l'utilise de la mauvaise façon. Et puis il prendra tout son sens lorsque je l'aurai développé et que nous nous retrouverons en péril. » Ajouta t-il, un vaste sourire fendant son visage de « gamin qui avait  grandit bien trop vite ». Léon aimait bien Camden, pour sa sympathie et  son ouverture d’esprit, mais aussi peut être parce que leurs dons étaient très proches. «  C’est aussi dans son aspect obscur que le pouvoir prend toute son importance, tu peux peut-être trouver un moyen de tirer parti de tes faiblesses, qui sait ? » Fit-il. Voir le jeune homme progresser bien plus vite que lui à l’époque et déjouer les pièges dressés sur sa route avec habileté là ou lui-même aurait trébuché le rendait nostalgique de ses années de prime jeunesse. Son esprit glissa lentement vers une autre direction. « Trente ans à peine et déjà sénile » se surprit-il à penser. Mais que faire, la relève était assurée, il se rendait bien compte que la jeunesse ne pouvait être contrefaite, et que si son corps paraissait encore intact, son âme, elle, avait prit un sacré coup de vieux. La force que pouvait déployer les nouvelles recrues, sans même s’en rendre compte, on ne la retrouvait pas chez lui. Peut-être avait-il cessé d’être jeune. Sans doute ne l’avait-il jamais été. Il méditait ces pensées, les lèvres pincées et les sourcils froncés par la contrariété. Ce n’était définitivement pas une bonne période pour lui, entre l’addiction aux rêves qu’il avait récemment développée, sa difficulté à distinguer le réel du songe, le manque de sommeil, et les jours qui passaient plus vite les uns que les autres, Léon s’autodétruisait, lentement, mais sûrement. Perturbé par ses divagations, il n’avait pas remarqué le petit manège de Camden, qui avaient entreprit de lui tourner autour, comme un chasseur scrutant sa proie. Sa démarche avait quelque chose de féline qui provoqua un certain malaise chez son professeur lorsqu’il revint à la réalité.  

«  Et bien professeur vu que vous êtes la, un petit combat vous tente ? Nous ne sommes plus en cours et je ne suis plus les enseignements de vous autres. Je peux me parfaire tout seul maintenant. C'est pourquoi si vous acceptez, nous serons d'égal à égal. Aucun favoritisme envers moi ou moi envers vous. "Tout les coups" seront permis jusqu'à la fin. Vous pourrez utiliser vos dons ainsi que les miens. J'ai d'autre atouts plus développé que la télépathie » « Tous les coups tu dis ? » n’avait-il pu s’empêcher de penser. Entre télépathie et illusions, Camden avait tout d’un adversaire redoutable, et il était plus que probable que Léon ne parviendrait pas à livrer un combat décent sans faire appel à l’un de ses petits tours de passe-passe. Mais la proposition du jeune homme avait éveillé sa curiosité, et lorsque celui-ci dégaina, pointant une dague effrontée dans direction, le professeur senti enfler une pousser d’adrénaline au creux de son estomac. Tout malaise balayé par la situation de combat, il adressa un sourire malicieux à son ancien élève, haussant un sourcil mi-audacieux, mi-amusé. « Juste une minute s’il te plais » Il posa les documents qu’il tenait encore à la main un peu plus loin, ôta sa veste –il faisait bien trop chaud-, et glissa avec précaution son médaillon dans la boutonnière. Il ne voulait pas risquer de l’abîmer. Puis, avec une désinvolture qui ne lui ressemblait pas, il remonta ses manches jusqu’aux coudes, fit craquer ses jointures et se saisit de ses armes. Il ne semblait avoir là rien de très transcendant, une dague –il ne maniait pas suffisamment bien l’épée pour en faire usage-, et un gantelet d’argent céleste –de quoi rappeler qu’il appartenait à la classe défensive-. Il empoigna l’un, revêtit l’autre, et d’un pas légèrement gauche, revint sur ses pas.

L’éternel problème de Léon, c’était le manque de coordination existant entre son esprit et son enveloppe charnelle.