Perdue, la petite sirène était perdue. Et ça risquait d’arriver très souvent, on lui avait déjà fait faire deux fois le tour entier du camp le matin même mais rien à faire, ça ne rentrait pas. Enfin le chemin pour rejoindre le lac elle l’avait retenue, tout comme celui qui pouvait la conduire à la forêt, pour le reste.. C’était du hasard, et c’est justement ce dernier qui déposa une jolie blonde sur sa route. « Excusez-moi, vous pourriez m’indiquer la direction du camp d’entraînement ? » Pàlina avait parlé de cette voix douce et mesurée qui lui était propre, elle ne ressemblait à aucune autre avec ce léger accent chantant, cette subtile façon de faire glisser les mots sur sa langue. Les filles d’Aphrodite avaient toutes ce port gracieux, cette allure un tantinet hautaine.. Pàlina était différente, bien que chacun de ses mouvements soient délicieux à regarder, elle n’avait pas cet air prétentieux accroché au visage, c’était peut être ça qui finirait par un jour la trahir, sa douceur juvénile.
La blondinette lui désigna une direction à suivre et la sirène s’exécuta après l’avoir gratifié d’un charmant sourire, un certain instructeur lui avait dit d’être sur le terrain en début d’après midi, alors elle obéissait et s’y rendait. En principe il faut savoir que les règles et les ordres ce n’est pas son truc, elle est libre, néanmoins dans ce camp elle sait qu’il faut faire profil bas. Puis pour apprendre il faut d’abord écouter, donc elle se montrerait docile le temps de s’enrichir, et ensuite elle quitterait le camp des sangs mêlés. Mais là elle n’en était qu’à son premier jour, alors ne parlons pas de départ tout de suite. Surtout qu’elle arrivait enfin à destination, le bruit des épées l’ayant un peu aidé à la fin. Elle se retrouvait au centre d’un grand terrain divisé en plusieurs petites parcelles, quelques tentes, des étalages d’armes et de nombreux jeunes demi-dieux en train de se battre, de s’entraîner à deux ou plus, voir même tout seul face à des mannequins. Pour la petite sirène c’était très impressionnant mais aussi un peu dérangeant, tant de personnes en train de manier les armes, avec beaucoup d’hommes dans le lot, rien de bon. La guerre était une erreur pour les sirènes, une invention humaine et masculine qui n’apportait que destruction et désolation, pas de vrais intérêts, elles débutaient toujours par la faute quelques fous, quelques idiots décidé à gouverner le monde. Et la mort elle.. Cette dernière ne perturbait pas tant les sœurs de Pàlina, elle était là avant les hommes et elle serait toujours là après, ça c’était un fait. Egarée dans ses pensées, alors qu’elle avançait à l’aveuglette dans le camp d’entraînement, la jolie brune se prit les pieds dans un portant remplit de lances, par chance elle n’en fit tomber que quelques unes et n’attira donc pas tous les regards sur elle. Enfin, depuis qu’elle était arrivée on l’a dévisageait presque constamment, parce qu’elle était nouvelle, et puis aussi peut être, parce qu’elle dégageait quelque chose de plus que les autres.
L’instructeur arriva droit sur elle à cet instant, il lui désigna un espace d’entraînement avec des armes en bois, là elle devrait attendre son professeur, un autre demi-dieu. Tout sourire, la tri-centenaire alla observer les épées en attendant son entraîneur, elle espérait fortement que ce soit une et non un d'ailleurs, rien qu’avec l’instructeur elle devait faire des efforts pour ne pas fuir ou l’attaquer. Mais elle ne devait pas oublier sa faiblesse sur terre, elle restait plus forte qu’un humain, mais pas qu’un demi-dieu. Seule sa rapidité et ses réflexes restaient respectables, pour le reste, elle se trouvait bien vulnérable.

Voilà qu’une jeune fille arrivait, très jolie, des traits fins mais une mince agacée, déçue également, la sirène espéra que ce ne soit pas de sa faute. « Bon, l’instructeur m’a chargée de te donner les bases vu que tu es nouvelle. Je suis Athénaïs, fille de Poséidon. Je sais que c’est déroutant d’atterrir ici au début, si tu as besoin d’aide n’hésite pas à venir me voir. Je me ferais un plaisir de t’aider. Tu es gauchère ou droitière ? Et tu t’es déjà servie d’une arme quelconque ? » Beaucoup d’informations d’un coup, elle s’était forcée à se montrer aimable et rien que pour cela elle gagnait déjà la gratitude de Pàlina, puis surtout, ce qui fit sourire chaleureusement la sirène, ce fût d’entendre que la demoiselle face à elle était une fille de Poséidon, le seul et unique dieu qu’elle respectait. Deux points gagnés en une minute. Mais maintenant il fallait répondre, puis se saisir de l’arme. Un pas en avant et elle attrapa l’épée de bois, d’abord de la main droite, puis elle l’a passa dans la gauche. « Enchantée Athénaïs, je suis Pàlina, fille d’Aphrodite. » Un instant elle faillit buter sur le nom de la déesse, parce que cette dernière n’était pas sa mère loin de là, celle qui l’avait mise au monde était une sirène sauvage, farouche, et certainement pas une déesse de l’amour. « Peu importe, je sais me servir de l’une comme de l’autre. » Oui qu’elle tienne l’épée à gauche ou à droite elle était à l’aise, après les armes de ce genre n’étaient juste pas ce qu’elle préférait mais pas le choix ici, elle devait faire un effort et essayer de se montrer pas trop nulle, essayer. « Oui j’ai déjà utilisé des dagues ou des lames fines, mais jamais d’épée large comme celle là. » C’était la vérité et elle regretta instantanément de l’avoir dit, parce que se faire passer pour une novice à tous niveaux c’était mieux. En réalité elle avait appris à se battre il y a près de deux cent ans, mais sous l’eau c’était différent, on utilise son corps, sa force physique et sa queue qui s’avère être une arme très violente et très efficace. Mais le jour où elle avait tué un demi-dieu pour la première fois, ce dernier possédait une longue dague, fine et particulière car la lame était presque transparente  et ne s’abîmait jamais. Un héritage divin certainement. En tout cas cette arme se trouvait dans le sac de la sirène depuis, et elle savait très bien s’en servir. « Je m’excuse d’avance car je suis une piètre duelliste. » A moitié vrai ça aussi, car Pàlina était douée, mais encore une fois pour sa couverture elle ne pouvait le montrer, et puis elle n’était pas dans l’eau. Alors elle se mit en garde sans certitude, vêtue d’une tenue confortable qu’on lui avait donnée le matin même, ses longs cheveux bruns noués en une tresse sur le côté, elle attendait que l’entraînement commence.

L’attaque surprise, c’était vilain mais bien vu, puis logique. Pàlina réussit à ne pas prendre un coup d’épée de bois mais de justesse, et de toute façon même si elle arriva à tenir quelques minutes, elle ne tarda pas à se faire désarmer. La fille de Poséidon était douée, pas étonnant son père était le meilleur des Dieux, enfin le seul qui ait de la valeur aux yeux de la sirène. Sirène qui n’avait donc plus d’armes, puisque Athénaïs l’avait désarmé tout en lui prodiguant de précieux conseils, sur sa posture, ses pieds, ses mains.. « Tu te débrouille plutôt bien. Fais juste attention à tes appuis sur le sol, ils doivent être stables, quand on tombe le choc nous sonne et on peut plus facilement nous tuer. Et reste toujours derrière ton épée, c’est ta défense si tu t’expose trop, les montres te tueront facilement. Dès que tu es prête, on recommence.» Elève assidue, elle fit signe de la tête qu’elle avait compris et elle entreprit de mettre directement en pratique les conseils de son professeur. En allant ramasser son épée elle se concentra, plaçant l’arme devant elle et l’utilisant pour se protéger comme venait de lui conseiller la jolie demi-déesse. « Prête. » Cette fois la sirène attaqua directement, à droite, à gauche, encore à gauche, plus bas, plus haut.. La jolie brunette para à chaque fois, impressionnant. C’était amusant car le regard de la sirène était rieur, elle semblait jouer, comme si ce n’était pas important, comme si sa vie n’était pas en danger.

Pàlina joua de ses jambes, de ses pieds, prenant appuis sur le sol, elle dansait. De la poussière se levait à chacun de ses pas, les fines particules de terre jouait autour de ses jambes et les mèches rebelles de ses cheveux dansaient tout autant autour de son visage.. Elle restait belle et gracieuse, on pouvait mettre ça sur le compte de sa mère, de la déesse Aphrodite, et pourtant non ça ne venait pas d’elle, mais d’une tout autre beauté, plus sauvage, plus dangereuse.
La petite sirène prenait confiance en elle et ses mouvements devinrent plus rapide, plus fluides, mais ceux la fille de Poséidon évoluèrent tout autant, et on devinait très facilement, d’un coup d’oeil, laquelle des deux menaient la danse. Justement, Athénaïs désarma une nouvelle fois la créature marine. « Il va m’en falloir beaucoup des entraînements pour espérer t’atteindre un jour. » Un compliment non voilé, de cette voix mélodieuse, chantante comme toujours, et bien sûr le visage de Pàl était éclairé par un éternel sourire, elle en affichait déjà un pendant le combat, mais celui-ci était plus pétillant. « On continue. » Le souffle de la brune aux yeux presque trop bleus pour être réelle n’était en rien entrecoupé, étrangement elle ne semblait pas en difficulté, pas essoufflée, pas transpirante.. Fraiche comme un gardon, ou plutôt comme une sirène. Joignant le geste à la parole, elle alla ramasser son arme et chargea dans la continuité, plus ou moins sans prévenir car lorsqu’elle prit la parole elle ne tenait pas son épée de bois, elle fut rapide. Mais pas assez, évidemment la fille de Poséidon para le coup, ainsi que le suivant, Pàlina ne cherchait qu’une chose de toute façon, à gagner un minimum de respect de la part de la fille du dieu de son univers.

Les compliments que lui fit la fille de Poséidon étaient sincère, la sirène fût touchée et offrit un merveilleux sourire reconnaissant à son entraineuse. Cette dernière était une fine lame, même avec une arme en bois elle était impressionnante alors elle devinait facilement qu’avec une véritable épée elle devait être une adversaire redoutable. Pàlina souhaitait s’améliorer, réellement, et atteindre un bon niveau avec sa dague. Le combat continua donc encore un petit moment, et finalement Athénaïs la désarma, encore.

La petite sirène écoutait avec toujours autant d’attention les conseils de la jeune et jolie demi-déesse, elle buvait ses paroles littéralement et elle ne la quitta pas des yeux lorsqu’elle s’éloigna après avoir planté son épée dans le sol. La sirène l’a vit revenir avec deux bouteilles d’eau et elle prit une avec plaisir. « Merci. » Pàlina avait besoin de beaucoup s’hydrater comme sa peau n’était plus en contact permanent avec l’eau, mais il ne fallait pas non plus qu’elle soit mouillée, pas ses jambes du moins. Elle avait volontairement commencé son périple en été afin d’être confrontée le moins souvent possible à la pluie, jusqu’ici c’était réussi, aucune gouttes n’avaient atteint la peau de ses jambes.
Tout en buvant, elle entendit la fille de Poséidon lui parler d’un certain Austin, bon elle lui avait aussi dit qu’elle pourrait devenir l’une des meilleures filles d’Aphrodite au combat, possible, en même temps elle n’était pas une enfant de la déesse donc ça aidait un peu. Mais ce qui avait attiré l’attention de la sirène ce n’était pas cela, la fille de Poséidon avait parlé d’une personne en particulier, d’un fils de la déesse de l’amour, elle espérait même qu’il soit battu, intéressant. « C’est à cause de lui que tu étais préoccupé quand tu es arrivée ? » La question sortit de nulle part, Pàlina n’était pas aveugle elle avait vite comprit et deviné qu’il y avait quelque chose, bon elle ne savait pas quoi, pas encore, mais pour qu’il ait été cité, il devait avoir de l’importance dans la vie d’Athénaïs. « Il doit être important pour toi, vu ton sourire et la couleur de tes joues. » Oui elle venait de rougir et ça allait très bien avec son sourire, au départ amusé et moqueur, la sirène l’avait vu changer, et maintenant elle semblait un peu inquiète, préoccupée. Pàlina posa la bouteille d’eau et reprit son épée de bois en main, un petit air malicieux accroché au visage, et, sans prévenir, elle chargea.

Cette fois, elle n'alla pas trop vite, se concentrant d'abord et avant tout sur ses pieds, sur ses appuis et ses mouvements pour qu'ils soient le plus fluides possibles, le plus précis. Utilisant son arme tantôt pour attaquer, tantôt pour se protéger, elle réussit à tenir plus longtemps cette fois face à la jeune fille. En mettant encore en application les conseils qu'elle avait reçu. Pàlina, pendant qu'elle se battait, ne cessait de sourire, elle n'avait pas laissé le temps à la fille de Poséidon de répondre, ou même de se justifier.

Elle était ailleurs, facile à deviner puisque à chaque attaque de Pàlina la fille de Poséidon était plus lente, plus en difficulté. Ce n’était pas la sirène qui accélérait le rythme, c’était l’adversaire de cette dernière qui avait la tête dans les nuages, le regard dans le vague. Cet Austin, qui à priori était l’un de ses demi-frère et donc un fils d’Aphrodite, avait retourné le cœur de la jeune et jolie demi-déesse, elle semblait se battre contre quelque chose, contre son sourire, contre son cœur qui s’était emballée.. Contre des sentiments qu’elle ne semblait pas du tout assumer. Pàl avait pût lire de l’inquiétude parmi toutes les émotions qui avaient parcouru les traits d’Athénaïs, peut être avait-elle peur que cela se sache ? C’était même évident, car lorsque la sirène avait insisté sur le sujet, la crainte était apparue sur le visage du professeur d’un jour.

Professeur qui se trouvait en position de faiblesse maintenant, car à mesure que la brunette aux yeux bleus avançait et attaquait, Athénaïs reculait et ses mouvements devenaient plus lents, moins calculés, elle donnait des coups presque au hasard et c’est à ce moment là que Pàlina frappa un peu plus fort, désarmant au passage la fille du Dieu de la mer. Cette action sembla ramener la jeune fille dans le monde des vivants et des pensants, elle en fut bien surprise en tout cas. L’instant d’après elle s’excusait, puis elle l’a félicitait, les nouveaux ne désarmaient pas les anciens d’habitude, mais là c’était grâce à Austin qu’elle avait gagné. « Je devrais remercier ce Austin alors.. » La phrase sonna avec douceur et sincérité, sans moquerie. Néanmoins, Pàlina comprenait que les sentiments d’Athénaïs n’étaient pas amicaux, si pour elle l’amour restait abstrait et illogique, elle savait que les humains y prêtait beaucoup d’attention, lui consacrait beaucoup d’importance. A croire que l’amour était vital, vraiment important. La petite sirène ne comprenait pas, après plus de 300 ans d’existence elle n’avait jamais aimé, jamais vécu une « histoire d’amour » et bien qu’elle soit très curieuse, cette chose ne l’attirait pas outre mesure. Ca faisait peur cette dépendance, elle venait d’en avoir la preuve, l’énonciation d’un prénom avait perturbé la fille de Poséidon alors qu’elle s’entraînait, et si ce genre de transe survenait au mauvais moment ? Aimer quelqu’un signifiait donc être faible ? Elle n’était sûre de rien, ou sauf d’une chose, l’amour, c’était dangereux. « C’est dangereux d’aimer. » Le souffle de la sirène porta ces quelques mots dans le vent alors qu’elle se dirigeait vers sa bouteille d’eau. Elle l’a ramassa et en bu une longue gorgée, elle ne savait pas de combien de temps elle était là, mais à cet instant jouer avec des épées de bois l’amusait moins, elle souhaitait discuter, harceler de questions la jeune demi-déesse. « On fait une petite pause ? J’aimerais te poser quelques questions sur le camp. » Puis sur elle, sur la vie, sur tout et rien comme toujours. C’est donc avec un sourire resplendissant – l’un de ceux qui faisait penser à une petite fille trop mignonne à qui on ne peut rien refuser – qu’elle accompagna sa demande. La fille de Poséidon accepta. Pàlina planta son épée dans le sol et alla s’assoir sur un tronc d’arbre qui faisait office de banc non loin, elle se mit en tailleur, tenant ainsi grâce à son équilibre. Elle posa ses mains sur ses cuisses et se balança légèrement, comme l’aurait fait une fillette pressée d’en apprendre plus. « Tu es au camp depuis combien de temps ? Et comment as-tu découvert qui tu étais vraiment ? Ton père tu l’a déjà vu ? » Seulement trois questions d’un coup, finalement elle s’était plutôt bien contrôlée. Puis elle avait tout demandé avec un éternel sourire, délicieusement complice, pas d’arrières pensées donc, pas de curiosité malsaine, juste une damoiselle avec un regard couleur océan et une attitude de femme-enfant.